La
science a vraiment réalisé des progrès dans la connaissance
objective. Mais il me semble qu'en montrant la possibilité de connaissance
objective, elle a aussi découvert ses propres limites : une dimension
d'inconnaissable, une mauvaise visibilité toujours croissante.
La mauvaise visibilité (la subjectivité) est le constat
d'un contraste avec la bonne visibilité (l'objectivité).
L'augmentation de l'objectivité met à jour une subjectivité
croissante.
Maintenant, on peut avoir l'attitude de la réduction : vouloir
expliquer l'ensemble à partir d'un angle précis. Ce qui
fonctionne d'ailleurs avec beaucoup de succès (à cause de
la foi qui existe en de telles réductions). C'est donc une foi
à la réduction, une foi en la réduction objective.
On constate qu'à chaque " catégorie " de la réalité,
d'aucuns éprouvent le désir de réduction :
· à l'étape logique pour être le fond fiable
de la réalité,
· à l'étape mathématiques pour décrire
les formes de la réalité,
· à l'étape physique pour expliquer la réalité
par la matière,
· à l'étape biologique pour expliquer l'homme par
le vivant,
· à l'étape de la découverte de la subjectivité
pour en faire l'essence de la réalité humaine.
· et parvenu au dessus (à la dimension humaine), les réductions
sont aussi nombreuses que les angles d'approches.
On ressent là, une profonde aspiration humaine de sens. La même
aspiration qui a guidé la philosophie dans l'usage de la raison
par une recherche plus intérieure. Mais réduire le sens
trop rapidement est source de subjectivité, c'est contraire à
l'éthique scientifique...
Combien d'élan, d'emphase, et de prophéties au nom de ces
réductions ; mais surtout combien de mépris, d'aveuglement
et d'échecs.
Mon
constat final incite à un regard très différent :
je pense que la science nous montre ses propres limites, béantes.
La trame, et surtout la dimension humaine, est immensément loin
d'être accessibles à une objectivité globale, l'affinement
des connaissances révèle une immensité de nouveaux
domaines et une subjectivité toujours croissante.
De plus, l'existence d'une réalité intérieure, reposant
sur une pure construction intérieure qu'elle soit libre ou causalement
induite donne à penser que le sens de la vie humaine n'a au demeurant
pas d'assise fondamentale dans l'objectivité humaine. Il apparaît
en effet, qu'une grande partie de la dimension humaine est réellement
construite bien au dessus de la simple recherche de perception extérieure,
la dimension intérieure est fondamentale. En pratique, on observe
que chacun peut construire librement du sens pour sa vie. Mais quel est
le sens de cette construction complètement libre ? Est-elle vraiment
libre d'ailleurs ? N'est-elle pas le fuit d'un déterminisme, d'une
cause biologique, d'une réponse à des stimuli particuliers
? Ou bien le résultat d'un cause théologique, d'une volonté
supérieure ? Ou bien n'est-ce qu'une illusion ?
Cette apparence de liberté peut être expliquée par
bien des dogmes qui lui donnent du sens. Par exemple, expliquer la dimension
psychologique humaine comme causalement induite par les interactions extérieures
est possible en théorie (par la foi en cette réduction),
mais pas satisfaisant tant qu'une unité n'est pas apportée
à mécanisme causal vérifiable dans la trame (expérimentalement)
qui rend compte de l'unité globale. (Il faudrait déjà
que le concept de " causalité " soit objectif en ces
lieux).Notre liberté est un sentiment de réalité
qu'on ne peut réduire à une explication causale sans objectivité
convaincante.
Ainsi, tant qu'une unité de sens ne sera pas acquise (objectivement
ou dogmatiquement), le sens de l'homme ne peut être défini.
Or, il semble que seul le dogme puisse proposer une théorie, pour
la simple raison qu'il n'existe pas de perception globale objective.
C'est le constat qui m'apparaît à l'issue d'un regard global
sur l'objectivité apportée par la science, mais aussi sur
l'observation des hommes dans le sens qui les habite. Des îlots
d'objectivité sont possibles, mais le sens global ne peut-être
donné que par un dogme non objectif.
Autrement dit le sens global peut bel et bien se passer de la recherche
d'objectivité. En effet, certains le font et proposent des dogmes
très contraire à certaine objectivité (la réalité
est une illusion dont il faut s'affranchir, par exemple). D'ailleurs,
le choix d'un sens pour sa vie ne demande pas la satisfaction à
la cohérence globale, qui le pourrait ?
La
science possède cependant un rôle important, celui de la
connaissance fiable de la réalité qui apporte un pouvoir
fiable sur la réalité. Elle permet d'agir avec plus d'impact
et plus précisément en conformité avec notre désir.
Bien sûr, ce pouvoir est limité à la mesure de nos
connaissances (on ne connaît jamais précisément l'effet
de nos choix et actes). Mais c'est un pouvoir et une capacité qui
relève de l'extraordinaire : la technologie moderne peut être
comparée en bien des points à des miracles, dans le sens
où elle fait entrer, dans notre perception naïve, des réalités
aux impacts immenses conforment à notre volonté et pourtant
complètement invisibles à notre compréhension, en
général.
La question du rôle de la science apparaît aujourd'hui avec
beaucoup plus de force que par le passé, car elle n'est plus seulement
source de pouvoir, mais aussi conscience de la responsabilité de
ce pouvoir. L'impact de notre volonté sur nous, sur tous et sur
la réalité peut être considérable quand le
pouvoir d'agir est multiplié.
Que faire de ce pouvoir ? C'est une question qui n'a de réponse
précise que sous l'égide d'une perception globale du "
que faire ", d'une lecture du " bien " et du " mal
". Or, les avis sont très partagés à ce sujet.
On se retrouve à nouveau face à l'aporie de la condition
humaine : le besoin d'une perception globale urgente, sans qu'aucune perception
ne se présente avec la fiabilité objective que l'on souhaiterait.
La science n'est jamais gérée de manière scientifique.
Chacun use alors de dogmes selon sa perception globale qui forme sa"
croyance".
La Science est recherche de la réalité objective partageable.
Le sens est le ressenti instantanné d'un tissu organisé
de concepts formant une unité cohérente liée à
la totalité de nos aquisitions (qui sont pour chacun un autre sens).