Définition des nombres

Pour comprendre le sens de ce texte il est conseillé d'avoir lu
- les mathématiques
- la trame
- la réalité
- la théorie de la connaissance

Introduction

Les nombres, tout le monde connaît ! Mais quand on a fait des mathématiques et que l'on cherche à définir ce concept, rien n'est moins évident…
L'ensemble de tous ces nombres très différents (nombre entier naturel ou relatif, nombre rationnel, nombre réel complexe, hypercomplexe ou encore les nombres p-adiques, transfini, surréel,…), se révèlent très curieux et finalement très éloignés de ces nombres naïfs que l'on croyait connaître au départ.
Qu'y a-t-il de commun entre tous ces ensembles de nombres et les nombres naïfs ? C'est la question de la définition des nombres.

En préalable, nous ne reviendrons pas sur la théorie de la réalité, la théorie de la connaissance et sur la nature des mathématiques que nous avons élaborés précédemment et qui vont fixer la base de notre démarche dans la question qui nous intéresse.


Les nombres naïfs.
La notion de nombres est-elle innée ?
Quand on a lu la théorie de la connaissance, on comprendra que s'il existe un notion innée des nombres, il ne s'agit en tout cas pas de la notion abstraite et mathématique. Il est probable que chez un individu moyen (c'est à dire. chez la plus grande proportion des individus), il est psychologiquement naturel de reconnaître d'un seul coup d'œil et sans réflexion analytique des quantité comme 1, 2 3 et éventuellement 4 (surtout quand ils sont positionnés). Il ne serait pas surprenant de trouver des individus qui " voient " instinctivement des nombres plus grands. Mais on remarque que ce sujet nous éloigne de la définition des nombres, car il s'agit d'un compétence psychologique et non de la nature ontologique des nombres.
Ce qui est intéressant par contre, c'est de voir que l'on possède une notion instinctive des petits nombres, qui s'oppose à une notion plus réflexive et analytique des nombres plus importants : un nombre plus important devra être raisonné, par groupement ou par comptage selon un mode éducatif (les nombres plus importants sont donc pétris de cultures qui peuvent être très différentes).
Mais un constat s'impose, dans toutes ces cultures : il existe une unité derrière tous ces nombres. Ils ont une utilité commune, pour désigner des quantités ou une position dans une liste. De plus quand ces nombres sont utilisés avec la notion d'addition (qui n'est pas toujours synthétisée de façon abstraite, voire presque absente de certaines cultures) et puis de multiplication, ils présentent une série de propriété structurelle commune à toutes les cultures (2+2=2*2=4, cela s'écrit de façon très variable dans les cultures). En fait, c'est d'abord à l'intérieur des expériences d'un individu que se manifeste le nombre : ces propriétés sont les mêmes que l'on parle de quantité de haricots ou de moutons. Les " nombres de " (vaches, haricots…) apparaissent comme ayant les mêmes propriétés, indépendamment de la nature de leur incarnation. Anthropologiquement parlant, c'est donc une erreur de parler " d'incarnation ", la notion de nombre s'extrait de l'expérience par synthèse d'une réalité qui dépasse des cas particuliers (que l'on désigne seulement a posteriori comme " incarnation ").

On distingue ici l'apparition du nombre mathématique abstrait et 1'existence d'une réalité structurelle très précise qui régie les quantités, les ordres, les mesures, … Et l'on trouve ici la naissance du concept de nombre : une réalité structurelle (que l'on découvre dans la nature par expérimentation) qui se révèle être d'une nature structurée selon des règles précises, implacables et sans équivoques (ce que j'appelle l'univocité des maths).
Il faut donc faire la distinction entre la partie culturelle et la partie abstraite des nombres. La partie culturelle est très variable selon les aléas de l'histoire des langues et des peuples : c'est le symbolisme choisi pour écrire les chiffres (symboles de bases) et les nombres (symboles combinés), c'est les méthodes d'énumérations, c'est les méthodes d'additions, de multiplications qui font apparaître des règles souvent très particulières et limitées (manquant de généralités). Et la partie abstraite (appelé par Platon " idéalité ") évoque que toutes ces réalités sont issues d'une réalité unique qui est indépendante de son expression culturelle. Evidemment la réalité désignée possède toujours une expression culturelle, mais on constatera que certaines présentations culturelles rendent beaucoup plus claire et unifiée la notion de nombre. " Nos " nombres sont le résultat d'un immense processus de présentation synthétisée par des siècles de pratiques et d'expériences (numération, somme et multiplications positionnelles, usage du 0, base 10, …).
Le nombre est donc une réalité (en mathématiques, on dit plutôt un objet) qui est devenue au maximum indépendante de ses incarnations expérimentales et culturelles pour chercher la réalité intrinsèque de ses structures. Par exemple, pour un mathématicien de théorie des nombres, l'énoncé des nombres en base 10 est purement culturel, il voit plutôt le nombre comme le produit de ses facteurs premiers qui est indépendant de la culture (ou presque car il faut quand même désigner des symboles pour une base choisie…)

Les nombres mathématiques
Le discours tenu jusqu'ici peut se limiter essentiellement aux nombres entiers. Qu'en est-il des autres nombres et pourquoi a-t-on tous ces nombres différents ?
Certains épistémologues répugnent d'ailleurs à parler de nombres au sens général, ils parleront de nombre d'un type précis (en mathématiques, on dit les nombres d'un ensemble). Chacun de ces " types de nombres " possède une structure qui lui est propre.
Mais le plus curieux est que ces ensembles de nombres s'emboîtent les uns dans les autres : aux nombres plus simples, on peut ajouter de nouveaux nombres avec de nouvelles structures qui prolongent les ensembles plus simples.
Par exemple, les nombres négatifs pourraient sembler une aberration (il n'y a jamais " moins trois vaches " dans la nature), et pourtant à l'usage ces nouveaux nombres deviennent très commodes et finalement simplifient certaines pratiques compliquées . A la banque " compter l'argent en positif ou négatif " est très utile. + et - disent qui doit de l'argent à qui (en ayant pris le client pour référence). L'usage des nombres négatifs simplifie énormément la pratique car il ne se pose jamais plus le problème de savoir si je retire une somme si le nombre trouvé existe encore. On dit que les nombres relatifs (entiers positifs ou négatifs) sont stables pour la soustraction.
Les nombre rationnels (les fractions) sont eux un type de nombres stables pour la division. Ce qui simplifie donc l'usage de la division.
Les nombre algébriques qui simplifient l'usage des équations polynomiales.
Les nombres complexes qui prennent une dimension géométrique très utile…
On disait tout à l'heure que ces ensembles de nombres s'emboîtaient, mais ce n'est pas tout a fait exact. Selon les souhaits que l'on veut pour les nombres (qu'ils soit stables pour la soustraction, pour la division, pour la complétion), on constate qu'ils s'emboîtent ou non. Mais en voulant obtenir certaines propriétés, ils peuvent aussi en perdre d'autres. Par exemple, si l'on veut gagner au nombre le " pouvoir " de résoudre les équations polynomiales (les nombres algébriques), et bien on perd la capacité de s'ordonner les uns par rapport aux autres de façon simple. Quand on veut des nombres ayant une dimension géométrique supérieure à 2, on perd la possibilité d'échanger l'ordre dans les calculs (la commutativité). C'est un constat contre lequel on est bien impuissant : on aimerait tant qu'un ensemble possède toutes les belles propriétés.
Un de ces grands ensembles qui possède presque toutes les propriétés les plus évidentes pour l'intuition (addition multiplication, ordre, complétion (déjà moins évident…) ) est l'ensemble des réels. La force de sa " réalité " est qu'une simple droite marquée suffit à le représenter : c'est une évocation puissante pour l'imagination. Mais en fouillant un peu, ces nombres sont très loin d'être aussi réels qu'ils ne semblent (voir le paradoxe de Banach-Tarsky, incontournablement issu des propriétés élémentaires de ces nombres réels)
Si l'on continue avec les nombres transfinis, on obtient de curieux mélanges entre les règles mathématiques et l'évocation psychologique que ces règles suggèrent : plusieurs sortes d'infinis emboîtés ou non…)
Au résultat que sont ces nombres ? Ce sont des identités structurées par des règles mathématiques univoques (inflexibles). Mais parmi tous les objets mathématiques dont le propre est d'être des structures univoques qu'ont donc les nombres de plus et de propres. Et bien, mon avis est que cette dénomination est principalement historique. On appelle nombre tout ce qui a été construit comme structure prolongeant directement les nombres et ayant les propriété psychologiquement reconnaissables des nombres naïfs. Les nombres possèdent en effet plusieurs dimensions pratiques.
- une dimension cardinale : quantifier les quantités voilà ce que fait les nombres naïfs. Et l'on appelle nombre ce qui permet de faire cet usage.
- Mais dans " quantifier ", il y a le ponctuel (le nombre entier) et le continu qui le prolonge à merveille. Quantifier le continu est apparu dans la réalité pratique comme très naturel, alors que mathématiquement les structures sont très différentes.
- Une dimension ordinale : " celui qui suit ", " avant ", " après ". On alors chercher à étendre aux nombres, les notions d'infinis qui lui sont connexes. Et par des règles tout a fait élémentaires, on définit la notion de nombres transfinis.
- La notion de " scalaire " : les nombres ont la possibilité de dire " une quantité de ". Il sont un coefficient devant un autre objet. Par cet usage on peut étendre la notion de nombre a beaucoup d'autres objets.
- La notion de multiplication et d'addition : on peut étendre ces notions d'opérations à d'autres ensembles (les congruences, les matrices) qui s'éloignent toujours plus de la notion de nombres.

Seulement en mathématiques, on peut très facilement prolonger les ensembles en de nombreuses structures (plus ou moins utiles) dans de très nombreuses directions très variées. De sorte, que la définition de nombres s'échappe par la porte des structures mathématiques dont la " continuité " avec les autres structures rend indiscernable la frontière d'une définition qui englobe les nombres.

Conclusion
En résumé, les nombres ont donc une réalité mi-historique mi-universelle : les nombres sont les objets abstraits structurés et univoques (mathématiques) qui ont extrait au maximum de leur culture les structures naturelle sous-jacentes aux notions de quantité, d'ordre, de calculs. (Mais l'expression des ces structures reste culturel, dépendante de l'approche mathématiques). Sachant que l'on peut prolonger ces structures dans de nombreuses directions avec des " capacités structurelles " supplémentaires ayant avec une proximité psychologique plus ou moins proche des notions qui ont originalement suscité ces structures.
La notion de nombre possède donc une origine mais pas de fin car on peut la prolonger à volonté. C'est une notion ouverte sur l'acquisition de " structures et de compétences " et l'on pourrait facilement l'étendre à beaucoup de structures mathématiques quoi que psychologiquement assez éloignées des structures originelles (mais cela est une appréciation d'ordre culturelle…).

On a donc bien le lien entre la notion naïve et savante du nombre : l'extraction de structures univoques au dessus des notions qui ont originellement servit à " compter, mesurer des quantités et opérer sur ces comptes "…

Michaël Klopfenstein © 2007



La trame une image de la réalité.


Un regard philosophique sur Les mathématiques


La Science est recherche de la réalité objective partageable.

Le sens est le ressenti instantanné d'un tissu organisé de concepts formant une unité cohérente liée à la totalité de nos aquisitions (qui sont pour chacun un autre sens).