Existence
de la réalité
Notre recherche consiste maintenant à déterminer ce qui
est réel et éventuellement ce quest la réalité.
Le bon sens me dit avec évidence que les choses que je touche que
je manipule, que je voie, que je côtoie sont bien réelles.
La question de la réalité des choses pourrait ainsi être
vite résolue par le bon sens. La définition de la réalité
serait tout simplement lexistence manifeste hors de nous. Mais comme
toujours la connaissance, la logique viennent déranger et construire
par étapes les conclusions du bon sens. Voyons comment peut venir
cette remise en cause ou ces questions.
Plusieurs
arguments pertinents peuvent appuyer ce doute ou ces questions :
Vu nos connaissances de la nature, vu la précision des objets et
de lespace, il est plus que peu probable que nous percevions un
même objet matériel, serait-ce même deux fois de suite,
de façon identique (sans s'être même interrogé
sur ce que signifie une fois, car il est difficile de percevoir le temps
comme fixe). Ainsi, toute perception est sans cesse mouvante et sans cesse
différente. Lorsque nous observons un objet, à chaque « instant »
nous ne faisons que voir un aspect très particulier de lobjet.
Comment pouvons-nous penser dans ce cas que nous percevons la réalité ?
Manifestement, nous ne percevons pas la réalité, mais un
très petit aspect de la réalité.
Même si nous pourrions penser que notre idée de la réalité
est composée de lensemble de tout ce que nous avons perçu,
il est assez évident que nous ne sommes absolument pas capable
davoir à lesprit tout ce que nous avons perçu,
nen témoigne que notre incapacité à se remémorer
une image précise. Et quand bien même on y arriverait, nous
serions encore « infiniment loin » de la réalité
complète de ce que nous avons perçus. Il faut donc admettre
que notre idée de la réalité dune chose nest
pas dûe à notre seule perception de cette chose.
Cest sans parler des erreurs de perceptions qui sont plus fréquentes
quon ne le croit. Car bien naturellement, on ne voit pas la plupart
de nos erreurs de perception, puisque rien ne peut nous le faire voir.
En témoignent les nombreuses expériences qui montrent que
notre psychisme influence profondément notre perception :
il recompose tout seul des morceaux manquants, il invente allègrement
des parties inexistentes. Il est soumi à linfluence très
forte du contexte. Ce fait est frappant pour ceux qui veulent approfondir
la chose. A elles seule, les populaires illusions doptique en donnent
une idée marquante. Mais cette réalité est beaucoup
plus vaste et quotidienne quon se le représente, cest
un principe permanent de notre psychisme que de transformer la réalité
pour laccommoder aux habitudes.
Faut-il alors penser quon ne peut même plus faire confiance
à notre perception ? Il est hélas important de comprendre
quon ne peut pas lui faire confiance en tout, et que certaines situations
sont symptomatiques de mauvaises perceptions.
Si notre perception peut nous tromper sur de petites choses, comment lui
vouer confiance sur la réalité absolue des choses dont elle
ne témoigne quen partie.
De ce fait, cette réalité des choses que nous ne percevons
jamais, comment pourrions nous y croire.
Analyse
du bon sens
Il sagit alors de revenir au bon sens commun pour retrouver les
bases du concept général de réalité. Je vais
donc commencer par une simple question logique : Est-ce que
lobjet qui est devant moi existe ? Si la démarche paraît
un peu insensée en soi - et peut-être lest-elle au
départ - elle acquiert rapidement une certaine pertinence. En effet,
quest-ce qui peut maffirmer la réalité de cet
objet ? Je pose la question de façon anodine. Mais au delà
de lévidence, la réponse nest pas facile. On
peut alors repousser le problème et se poser la question suivante :
quelle est lorigine de cette évidence ? Là aussi
la question nest pas évidente, elle peut-être même
encore moins évidente car elle sous-entend une certaine compréhension
du bon sens.
Essayons de répondre rapidement à la deuxième question
par quelques considérations intuitives, et soumettons ces considérations
non à lévidence mais à la logique :
le fait de les voir, de les toucher est une preuve de leur existence.
Mais lobjection logique à cette évidence est la suivante :
toute perception quelle soit visuelle, auditive, tactile, etc..
nest jamais produite que par les sens. Or, les sens sont une frontière
entre nous et cette prétendue réalité. Comment donc
est-il possible dêtre certain de la réalité
extérieure à ces sens ? Logiquement, notre pensée
ne peut pas en être absolument certaine, puisquelle na
jamais accès à la réalité. Cet argument est
dailleurs largument fondamental.
le fait que je puisse les toucher, interagir avec eux est un argument
de leur existence. Mon action réciproque sur les objets est une
manifestaton de leur réalité par la conformité à
mes habitudes. Si cette interaction suppose une action réciproque
et donc un échange dinformation, on pourrait penser quune
réalité est nécessaire à linteraction
et ainsi que la réalité de lobjet est assurée.
Mais rien n'affirme que cet échange soit réel. En effet,
sans compter laccumulation de preuves sur les possibilités
derreurs de nos perceptions, la question nest pas tant de
savoir si rien n'existe et si notre pensée montre des choses qui
ne sont pas, que de savoir si ce que nous percevons est conforme à
ce qui est à lextérieur. Cela nous conduit à
la profonde interrogation : que signifie « exister »
pour ces choses.
le déterminisme du monde : le fait que les choses semblent
systématiquement se conformer à ce que nous pensons ou attendons,
nous donne une idée très précise de la matière,
idée construite par lhabitude. Mais est-ce suffisant pour
nous affirmer leur existence, et surtout pour en préciser la nature ?
Nous navons toujours abordé quune impression et jamais
une réalité.
le fait de la cohérence de lensemble : tout ce que nous
voyons confirme plus ou moins lassentiment général.
Toute notre vie forme un tout stable dans le domaine de ce que nous percevons :
cest un argument de réalité extérieure. Mais
cet argument ne contrecarre pas l'argument que la réalité
peut-être toute différente de ce que nous percevons. Il est
même possible que ce que nous pensons être réalité
nexiste pas. En dautre terme, les mots existence, réalité
comme nous les percevons sont peut-être hors de propos.
Nous
venons de voir que tous ces arguments élémentaires reposent
sur des impressions, sur des sentiments, et même a rétorquer
que nous-mêmes touchons vraiment ce que nous appelons réalité.
Si je dis que ma main touche et saisi le crayon, cest supposé
déjà la réalité de mon corps et de lextérieur.
Rien ne nous affirme logiquement que tout cela est conforme et que ce
nest pas seulement un assentiment général (de moi
seul et éventuellement des autres si je peux me fier à ce
que je crois des autres). Il semble logiquement impossible de montrer
la réalité extérieure par ce fait fondamental que
nous sommes prisonniers à lintérieur de quelque chose
qui pourrait être appelé notre esprit. Cette chose en nous
qui raisonne, qui ressent, qui perçoit, semble liée à
la réalité par notre corps, mais rien ne nous latteste
par la logique. Nous sommes en droit de nous poser logiquement la question :
pourquoi ces choses qui nous semblent réelles sont-elle vraiment
réelles comme nous limaginons ? Je constate que mon
esprit est davantage dans les choses hors de lui que dans lui-même.
Comme si sans cesse, je moubliais moi-même. Pourquoi la réalité
serait-elle située dans ce hors de moi-même qui
nest jamais que mes pensées. Pourquoi ce film qui me fait
moublier serait-il composé de réalité ?
Pourtant, il me semble que mon esprit répond que cette existence
ne pose aucun problème. Alors pourquoi ce problème insoluble
de logique ? Comment le concilier avec cette impression dassurance
intérieure ?
Nous
voyons à la fin de ce petit développement quil est
préférable détudier davantage le problème
de la réalité , il sagirait peut-être de préciser
ce que nous définissons et ce que nous cherchons par « réalité
des choses ».Quest-ce qui nous permet de supposer logiquement
que des choses existent bien hors de nous ?
Il semble clair quil nest pas sensé de limiter ce que
nous appelons « la réalité des choses »
uniquement à notre perception de ces choses. Il existe une réalité
qui dépasse notre perception et que notre esprit peut malgré
tout comprendre.
Quelle est la nature précise et logique de cette réalité ?
Nous avons enfin abouti à la question philosophique de la réalité.
Elle nest pas seulement une question logique, elle est aussi une
question de bon sens. Quest-ce que cette réalité qui
semble être perçue intérieurement, mais pas extérieurement ?
Et quel est le rapport entre ma perception et la réalité
extérieure ?
Jusquoù sétend la réalité ?
Quest-ce qui est réel et quest-ce qui ne lest
pas ? Quelle est la nature nécessaire pour quune chose
soit qualifiée de réelle ? Par exemple, peut-on dire
que les lois de la nature sont des réalités, que les catégories,
les généralités sont des réalités,
que les concepts et enfin que les pensées sont des réalités ?
La réalité des pensées semble difficile à
accepter car plusieurs choses les opposent à lidée
naturelle de notre réalité : elles sont sujettes à
lerreur, à limagination, à la fabulation.
Si quelque chose semble bien être opposé à lidée
de réalité, cest bien nos idées ou plutôt
ce qui nest pas juste dans nos idées. Mais alors où
placer la frontière entre la réalité et et
je ne sais pas trop quoi ; la subjectivité ? lerreur ?
Le néant ? etc
Beaucoup de concepts différents semblent sopposer à
la réalité. Il faudrait les définir. Telle est la
démarche de la philosophie. Mais je ne désire pas trop my
avancer pour linstant.
Autres
questions
Voici dautres questions qui se posent au sujet de la réalité.
Une question qui possède une certaine résonance en philosophie
est la suivante : labsolu possède-t-il une certaine
réalité ?
Ou en retournant la question : la réalité est-elle
un absolu ?
De façon à peine plus prosaïque, on peut se demander
quelle limite fixer entre limagination et la réalité ?
Suivant le point de vue que lon a sur la réalité,
cette question est plus ou moins difficile à résoudre. Si
la réalité est extérieure, clarté est faite,
mais si lon parle dune réalité intérieure,
cest plus difficile. Viens alors une nouvelle question : quelle
relation existe-t-il entre la réalité intérieure
et la réalité extérieure.
Quel rapport existe-t-il entre la réalité et la vérité,
entre la réalité et lerreur. Ce débat à
lui seul pourrait-être très long.
La réalité doit-elle être acceptée comme un
fait de base, ou alors faut-il la démontrer ? Est-ce un des
présupposé inexplicables quil faut accepter comme
tel ? Ou faut-il le ramener par démonstration logique à
dautres éléments de base ? Lesquels alors ?
La réalité nest-elle que subie comme privation ?
On peut constater que cest toujours un obstacle qui amène
la réalité. Mais est-ce que cette notion restrictive est
satisfaisante ?
La réalité nest-elle que dans limmédiat ?
On peut penser que la seule réalité est la perception primitive,
avant même quelle ait été détournée
par la psychologie. Ou encore : la réalité serait-elle
ce que nous vivons intérieurement à linstant ?
Elle est donc réalité à cet instant en nous quelle
quelle soit. La réalité serait donc la pensée
qui nous traverse.
Faut-il chercher la réalité ultime dans la perception profonde
de notre être dans notre conscience, dans létat ultime
(le plus profond et le plus basique) de notre conscience. Cest,
dans son propre contexte, la démarche de la phénoménologie.
Témoin
à charge : le rêve
En quoi le rêve quand il semble réel nest pourtant
pas réalité ? La réponse est assez simple :
cest le fait que tout se passe dans lesprit, et que les événements
soient clairement inaccomplis à notre éveil.
Mais dans ce que nous appelons réalité, tout ne se passe-t-il
pas aussi « uniquement dans notre tête »,
alors comment croire à sa supériorité, c'est-à-dire
à sa réalité, qui est manifestement infirmée
dans le rêve ? Même si dans la réalité,
il se peut quon perçoive un sentiment de réalité,
de lucidité supérieure à celui perçu dans
le rêve, il se trouve que, fréquemment dans le rêve,
on ne doute pas de la réalité que lon vit (alors quon
le fait parfois dans la réalité...).
Remise
en cause trop profonde
La remise en cause de la réalité peut être très
profonde. Dans cet ordre didée qui consiste à remettre
en cause nos plus grandes convictions ou les plus grande évidences
de la réalité, on peut envisager beaucoup de scénarii,
(qui ferait une bonne base pour des films fantastiques) :
Remise
en cause de la permanence
On peut très bien imaginer que notre vie entière est un
rêve qui se tisse et que ce rêve sera infirmé à
notre réveil. Réveil qui peut se produire de plusieurs manières :
en nous-même dans une autre situation, plus ou moins éloignée
de celle que nous vivons.
On peut aussi se réveiller en quelquun de très différent.
Qui pourrait montrer labsurdité logique dune telle
suposision ? Evidemment pour en tirer un film, il faudrait afficher
successivement les différentes réalités. Et pour
que ce soit plaisant, il faudrait envisager une interaction entre les
différentes réalités ; ce qui conduira à
une réalité logiquement absurde. Mais on peut raffiner le
modèle pour diminuer leffet incontournable de labsurdité.
Remise
en cause de laltérité
On peut très bien imaginer que les autres ne sont pas ce quils
semblent être. On peut par exemple supposer quil simulent
entièrement leur comportement et quil sont des êtres
dune autre nature, plus élevée.
On peut aussi penser quils nexistent pas en tant quindividu.
Il ne sont que des robots réagissant de façon automatique
comme le reste de toute existence. Dans ce cas moi seul possèderait
la pensée sémantique de ce que je vois, eux ne seraient
que des machines qui ne penseraient pas.
A linverse, on pourrait au contraire penser que toute matière
possède cette conscience. Tout le monde, mais aussi toute partie,
toute identité du monde(table, bras, molécule, onde )
pourraient possèder cette pensée sémantique. Chacune
de ces « choses » verrait sur le cinéma de
ses pensées ce quil est en train de vivre. Ainsi jaurais
une place privilégiée dans ma liberté daction,
car je suis au sommet dune identité bien unifiée,
et abondemment pourvue.
Dans ce même sens, on peut aussi penser que le monde entier nexiste
pas et que seule ma pensée existe. Ici, cest toute la réalité
que lon a nié. Beaucoup de prolongemments sont possibles
:
Remise
en cause de la réalité
On pourrait aussi penser que notre vie nest en fait que la perception
dun autre dans une sorte cinéma hyper-réaliste, (par
un autre, il faut comprendre un « autre-nous-même »).
Ainsi, notre vie pourrait-être la vie de nimporte quel autre
qui serait en train de vivre notre vie alors que lui-même existe
dans une réalité tout autre, et dans ce dernier mot 'autre',
on peut laisser libre cours à une grande liberté. On peut
imaginer des différences en tout point ; le temps et
lespace pourraient même être considérés
comme une illusion dans cette conception.
Remise
en cause de notre individualité
On peut aussi imaginer que la totalité des hommes soit le rêve
(ou le cinéma réaliste) dun unique individu qui a
la faculté dincarner une pensée multiple, plus ou
moins dissociée, car de toute évidence, nous navons
pas la pensée de tous en nous. Pour la nature de cet être
et de son cadre dexistence, nous pouvons à nouveau laisser
libre cours à notre imagination comme précédemment
La nouveauté de cet exemple est le fait de nier notre individualité,
ce qui est encore plus extravagant. Dans ce même sens, on peut aussi
penser à lexistence de plusieurs 'moi' , C'est lidée
qu'il peut y avoir plusieurs spectateurs dans mon cinéma :
l'idée quil existe dautres dans le même corps
que moi, dautres qui soient légèrement différents
sur des points qui nengagent pas la matérialité, de
sorte que nous sommes plusieurs à vivre ce 'moi'. Cest un
peu désagréable, on se sent à létroit
à plusieurs dans une même veste, mais on peut s'y faire.
Remise
en cause de notre existence
Au lieu dimaginer la vie comme un cinéma où le spéctateur
serait « à l'intérieur », on peut
imaginer dautres variantes : celle dun jeu vidéo
réaliste. Notre impression de réalité et de liberté
ne serait quune particularité intéressante de ce jeu
vidéo dont une autre serait d'être aux commandes. Cela signifie
que personne nest en train de vivre ce que nous vivons, nous ne
sommes quune animation étant le jouet de quelquun dautre.
Personne nincarne notre vécu ; ce vécu est un
sujet de spectacle qui na d'autre sens que le loisir (ou encore
autre chose que nous ne saurions définir car dune réalité
inaccessible).
Remise en cause de notre liberté
Le même scénario que précédemment, mais au
lieu dun jeu vidéo, on imagine une projection cinéma.
La différence avec le cinéma précédent serait
que personne nincarne notre vécu. Ainsi, notre existence
est une illusion, bien faite, mais rien de plus. Il n'y a pas de commande,
c'est juste un spectacle.
Remise
en cause de tout sens
On peut raffiner le scénario précédent en ajoutant
que personne ne le regarde
Et le dernier raffinement consiste à dire quil ny a
même pas de film : l'illusion elle-même nexisterait
même pas, mais là il faut commencer sérieusement à
se tordre les méninges pour laisser passer cela, car il semble
bien qu'au minimum il y a quand même une illusion.
Ces dernières positions sont des philosophies qui ont trouvé
leur pied-à-terre. Certaines philosophie nie la réalité.
Il me semble que, d'une certaine façon, cela est assez normal.
Nier la réalité nest pas un processus impossible à
concilier avec la vie, il se construit naturellement à partir de
lexpérience, et ceux qui ont lesprit à « généraliser »,
transpose facilement la négation à lensemble de la
réalité. Ensuite d'un point de vue logique, il est beaucoup
plus naturel de tout nier que de nier une partie, car accepter une partie
nécessite dexpliquer le sens de la partie nier et le sens
de la partie à accepter. Tout nier ne demande pas dexplication
et se suffit à lui-même.
Remise
en cause de la continuité extérieure
Il se pourrait aussi que le monde ne soit quune image qui nous suive
individuellement comme un ombre. Dès que je ferme les yeux, dès
que je ne perçois plus un objet, qui peut donc maffirmer
son existence ? Quand je regarde un objet, il est là. Cela
peut me suffir pour croire en son existence, mais quand je détourne
les yeux, qui pourrait maffirmer quil est encore là ?
Peut-être que les choses napparaissent que par mon regard
et quelles disparaissent aussitôt que je ne les regarde plus.
Peut-être que le monde est un grand néant quand je ne suis
pas là pour le regarder. Peut-être ne sort-il du néant
que lorsque je le vois. On peut se demander pourquoi donc le monde se
créerait-il toujours de la même façon, selon une pérennité
logique. Mais cela est une autre question. La question est : quen
est-il de lexistence dune chose quand je ne la perçois
pas ?
Remise
en cause de ma propre continuité
Qui maffirme que ce que jai vécu dans mon passé
est bien réel. Il se peut que tous mes souvenirs soient créés
à chaque instant. Il se peut que je vive sans cesse une autre vie,
mais que je ne men aperçoive nullement car à chaque
instant tout un passé mest livré en même temps
que ma vie. Seul le présent serait réel. Je ne puis revivre
le passé, Qui peut maffirmer que l'apparente continuité
de ma pensée est bien réelle ?
Remise
en cause de lunicité de ma continuité
Il se pourrait aussi que limpression de vivre une vie unique et
continue ne soit quune imagination trompée. Par exemple comment
pourrait-on infirmer lhypothèse suivante : la vie serait
faite de milliard de bifuracations incessantes où la réalité
suivrait simultanément plusieurs chemins différents. Comme
si le monde actuel donnait naissance à chaque instant à
une infinité de mondes tous différents, disincts et innacessibles
les uns aux autres. Comme un tronc darbre qui se démultiplie
en plusieurs branche à linfini. Chaque conscience humaine
se divisant elle-même dans chaque monde en ayant pour chacune d'entre
elles de ne vivre que la continuité d'un seul monde à la
fois. Il serait impossible de sapercevoir des bifurcations à
cause de la continuité de chacune des consciences qui bifurquerait
du même point. Il existerait ainsi des milliards de moi-même
tous différents. Je ne serais quun moi-même au milieu
de tant dautres avec lillusion de la liberté. Alors
que la liberté ne serait qu'une bifurcation de moi-même.
Toute les options étant pourvu par un « moi-même »
différent. Cest le fait que ma conscience appartient à
une bifurcation particulière qui me donne limpression de
choisir. Si en réalité tous les choix existe chacun dans
leur propre monde, la liberté, lunicité de mes choix
ne serait quune illusion du à la particularité dun
chemin qui est au même rang que tous les autres. Dans ce cas jenvie
la conscience de moi-même qui a trouvé le chemin le plus
heureux, à moins que ce ne soit le mien... que pourrais-je jamais
savoir sur ces bifuractions ?
Analyse
Avec de limagination, on peut remettre en cause une foule de choses
très nombreuses, et limagination aura tôt fait den
tirer une multitude de variations et dinterconnexions possibles.
Il me semble avoir remarqué que ces questions si extravagantes
se posent réellement à un certain nombre de personnes. Non
pas sous forme de liste comme je viens de le faire, mais sous la forme
de lun ou lautre des scénarii. Il faut dire que les
scénarii qui mettent en jeu lexistence dune autre personnalité
me semble naturellement moins fréquente que les scénarii
qui se contentent de nier la réalité. Et juste pour lanecdote,
je dois dire quà lâge de 10 ans, je me suis réellement
posé la question, jusquà en être troublé,
de savoir si les gens qui mentouraient nétait pas des
simulateurs dans leur rôle et que moi seul était réellement
dans ma peau avec l'apparence qui m'appartient. Et ce trouble mest
revenu occasionnellement pendant plusieurs mois jusquà ce
que je vois des enfants en bas âge acquérir les facultés
de base de la communication et de la vie. Ces acquisitions mont
semblé trop réelles, trop normales, trop en continuité
avec moi, trop conforme à moi pour être simulées.
Et aujourdhui, je suis amusé de voir que cest le bon
sens qui ma sorti à lépoque de ce trouble de
logique intellectuel.
Imaginer ces innombrables situations nest pas seulement un délire,
cest aussi philosopher, car la remise en cause logique des choses
est une des démarches fondamentales de la philosophie. En cela
la science-fiction philosophe souvent plus loin et se fait mieux comprendre
que la philosophie elle-même. (Ce qui nest pas philosophique,
cest cette propension à ajouter volontairement des touches
dabsurdité).
Après
ce délire organisé (cette démission du bon sens),
que penser de la réalité ? La question suivante prend
malgré tout un sens philosophique profond : quest-ce
qui nous permet dexclure logiquement toutes ces éventualités ?
Personnellement, je ne vois pas comment la logique pourrait nous tirer
de ces hypothèses (et dencore bien dautres). A moins
dêtre armé dun solide bon sens et denvoyer
toutes ces réflexions au rang des inepties, il y a de quoi attraper
un certain vertige existentiel. Et comment pourrait-on sen échapper ?
Puisque nous navons aucune prise à la contradiction, puisque
le sentiment et le bon sens sont par ailleurs si souvent mis en défaut,
comment certifier le sens naïf de notre vie ?
Au
final
Résumons la situation. Après un tel exposé de question,
il ne sagit pas de répondre à chacune dentre
elle. Mais la question centrale qui à une influence profonde sur
lensemble des questions concernant la réalité mérite
dêtre à nouveau posée à la fin de cet
exposé : comment justifier la réalité des choses ?
Il faut constater et bien constater que la réalité des choses
est pour nous une évidence. Par réalité, il faut
comprendre réalité qui dépasse notre perception de
la chose. Comment peut-on avoir conscience de la réalité
dune chose ?
Il y a dans cette question un dilemme qui sest établi dans
la philosophie :
Ceux qui pose lévidence de la réalité comme
une base.
Et ceux qui pose le moi (la personnalité, la pensée, et
même plus abstrait encore, etc ) comme la base. Le raisonnement
est alors implacable : mon esprit ne peut pas percevoir le réel
parce que mon esprit na pas de relation directe avec ce réel.
Il est donc encore moins acceptable pour la logique dimaginer lexistence
dune réalité extérieur qui surpasse la perception.
Rien par la pensée ne pourra jamais nous permettre de létablir.
Il faut donc chercher la réalité à lintérieur
ou dans une transcendance particulière (une révélation,
une autre nature que la nature matérielle). Et dans ce cadre, il
existe plusieurs modèle de la réalité.
Le premier choix sappelle le réalisme, le second sappelle
lidéalisme. Faut-il croire dabord à lexistence
des choses à lextérieur qui est manifeste. Ou faut-il
croire dabord à lexistence de notre pensée,
qui est manifeste elle aussi.
La question posée comme cela, ne pose pas trop dalternative,
la seconde parait préférable si lon sattache
à la raison.
Mais
personnellement je pencherais plutôt pour la première et
plus précisément pour aucune des deux je vais mexpliquer.
Lillogisme
de la réalité centrée en soi
Lorsquon aborde la question de la réalité sur le plan
de la logique, elle semble réellement insoluble. La logique soppose
à lévidence. En effet, il nexiste manifestement
(au regard du bon sens) aucune autre information qui passe de lobjet
à notre pensée en-dehors de la perception qui, elle, est
incomplète. Comment donc peut-on avoir conscience dune réalité
extérieure ? Et comment établir lexistence de
cette réalité dont on ne perçoit rien de réel
?
Certains y ont vu luvre de Dieu qui possède en lui-même
cette information (manquante) de façon immatérielle.
Dautres y ont vu une sorte de transcendance : une information
qui nous parvient dans une existence extérieure au matérialisme.
Ainsi laréalité ne serait pas uniquement matérielle.
Dautres y ont encore vu une évidence sans chercher de solution.
Et je passe toute les subtilités.
Dans le cadre de ma démarche, la philosophie ma beaucoup
interrogé en me posant des questions que je navais pas imaginé
ou que je navais pas posé de la sorte. Ma méfiance
naturelle à accepter le dogmatisme ma servi à constater
une chose : les questions elles-mêmes contiennent des dogmes
plus ou moins bien dissimulés. Ainsi toute question nest
pas recevable (jentends par là, il ne faut pas chercher à
répondre à toute question pour soi). Evidemment, on peut
chercher à y répondre pour lautre. Et cest ce
que jai fait. Jaurais pu passer à côté
de la philosophie métaphysique (encore que bien difficilement),
mais jai préféré my plongé, méfiant
et cherchant mes répères, en observant comment ma démarche
my conduirait.
Une leçon de cette recherche consiste à dire que les questions
elle-mêmes sont dogmatiques. Pour expliquer le sens de cette affirmation,
jen reviendrai à limage de la trame. Si quelquun
voit se condenser dans la trame une figure, il est normal quil sinterroge
sur le sens de cette figure et sur sa relation avec les figures extérieures.
Mais comme nous lavons dit, il se peut très bien que certaines
figures ne soient quapparence trompeuse dun angle de vue.
On peut alors se poser une question qui est tout simplement hors de propos
en parlant des liens de cette figure trompeuse avec le reste de la trame.
Il faut donc regarder si lobjet de la trame est objectivement présent
ou sil est une illusion de perspective. La question résiste-t-elle
aux changements de vue. Est-ce que la démarche et non pas seulement
le contenu de la question est une évidence de la trame. En effet,
cest la démarche conduisant à la question qui donne
langle de vue. Le recul qui permet de sinterroger sur la validité
des questions est bien souvent salvateur.
Si
lon en revient à la question de la réalité,
les explications et les polémiques qui la concerne ne retenaient
pas mon adhésion dans le sens ou même si cette logique semblait
bien établie, elle ne résonnait pas justement en moi. Ayant
remis en cause la logique, je me donne le droit de rejeter un raisonnement
bien étayé qui ne me convainc pas. Je peux aussi essayer
de chercher lorigine de mon désaccord ; ce qui nest
pas forcément toujours possible, par manque dintelligence
ou à cause de la complexité de la trame. Si je trouve le
désaccord, lincohérence pourra être discernable.
Revenons sur la question de la réalité : à mon avis
lincohérence repose dans la démarche logique choisie.
La pertinence du raisonnement qui exclu la possibilité dune
réalité extérieure par lincapacité de
tout accès à lextérieur repose sur la logique.
Bien que jai dit que la logique ne sapplique pas à
tout propos, pour être convaincant, il serait sensé de montrer
une bonne raison établissant que la logique ne sapplique
pas à ce propos précis. Observons cette raison :
Argument
de la validité du sens des questions
Commençons par une analogie ; le phénomène de
causalité (un événement possède toujours pour
cause un autre évènement) semble présent partout
dans notre monde. Il est donc naturel de se poser la question de savoir
si la causalité est un phénomène absolu. Cest
avec ce type de raisonnement quen bon logicien moyen, on établit
lexistence de Dieu comme cause initiale nécessaire. Parce
qu'au bout de la chaîne il nous faut une cause qui na pas
besoin de cause. Sans juger de sa valeur profonde, un tel raisonnement
possède beaucoup déchapatoires. Quand un principe
est posé, ce nest pas une nécessité de laccomoder
à toutes les sauces. Pourquoi la causalité devrait-elle
trouver une finalité ? Une question ne mérite pas toujours
quon y réponde. Car avant de répondre à la
question « pourquoi une cause initiale est nécessaire »,
il faudrait que la question ait un sens. Cest dans cette perspective
que je voudrais mévertuer à montrer que pour moi la
question de la réalité extérieure inaccessible na
pas de sens. En effet, au lieu de prendre la logique comme une réalité
supérieure, je me place sur laspect beaucoup plus prosaïque
de lhomme qui pose la question. Jai déjà dit
que la logique était inscrite dans la nature, et que son acquisition
vient du phénomène de perception et dintelligence
qui nous permet dacquérir, de synthétiser et danticiper
les principe de la nature dont la logique fait partie. Si donc on se place
dans la situation dun homme, on conçoit très facilement
quil est impossible de poser une telle question sans posséder
beaucoup de choses :
le langage qui lui permet de sexprimer
le bon sens qui lui permet de comprendre ce quil dit
une certaine intelligence pour atteindre le niveau de la question posé
(inaccessible aux jeunes enfants)
un corps qui lui permet de lexpirmer
sans parler dun père une mère, de lair, la terre,
lhumanité, etc qui permettent la vie
Je
veux dire par là quon ne peut absolument pas poser une question
complexe de logique comme celles que nous abordons sans avoir le bagage
dun homme accompli.
Lhomme naît avec tous ces bagages que nous lui connaissons.
Il est enfant puis adulte. Si le jeune enfant ne comprendra pas la réflexion
que nous sommes en train de nous faire, il comprendra pourtant la réalité
extérieure.
Et nous-même, pouvons-nous dire ce que nous percevons le mieux,
ce dont nous cernons le mieux les contours parmi ces deux choses :
« le phénomène de causalité »
ou « la pomme que nous sommes en train de manger » ?
Est-il alors sensé de croire que la causalité, que la logique
sont des phénomènes universels plus valides que la matière ?
Autrement dit peut-on se fier davantage à la perception de la logique
quà la perception de la matière ?
Est-il sensé détablir le doute sur lexistence
des choses, alors que nous en savons encore moins, et en tout cas pas
mieux, sur ce que sont le doute et la raison.
On me rétorquera : « mais ce nest pas la
logique, ni la causalité en général quil nous
faut juger, la question qui nous préoccupe est lexistence
de la réalité extérieure ». Seulement,
la question qui nous préoccupe est façonnée sur la
logique, sur la causalité, sur le « pourquoi ?»,
et cest dans cette démarche que se produit la contradiction.
Cest pourquoi jai voulu élargir le débat, mais
je vais me préoccuper maintenant du problème qui est plus
précisément le nôtre. Que signifie inaccessibilté
de la réalité extérieure lorsque que je considère
que la réalité extérieure est ce que je perçois ?
Il nest pas du tout évident de remettre en cause la perception
naturelle par un amas de phrases de raisonnement et de logique qui nont
pas nécessairement beaucoup de sens.
Argument
de la non-prééminence de la logique
Est-il juste détablir la prééminence de notre
pensée logique sur les choses que nous percevons? Il arrivera
que oui, si par exemple la raison me montre que ma perception se trompe.
Mais il ne sagit pas là dun détail de prééminence,
il sagit de largument qui fonde la perception de la réalité
extérieure. Pourquoi ma perception me tromperait, alors que tout
maffirme naturellement la réalité des choses ?
Quand on regarde un homme qui ne sest pas intéressé
à ce genre de question, demandons-nous sil est réellement
capable de donner raison à cette pensée logique qui rejette
lexistence extérieure plutôt que la validité
naturelle de lexistence des choses quil manipule. Et nous-même
quand nous sommes absorbés dans un travail manuel, la réalité
extérieure ne nous a-t-elle pas saisi ?
Il est vrai que tout passe nécessairement par la pensée.
Mais il nest pas vrai que la conscience de la pensée est
prééminente sur la conscience des choses. Pourquoi donc
accorder la prééminence de lexistence à notre
pensée plus quà la matière ? Je ne parle
pas seulement dans une perspective de lhistoire dun homme,
mais je parle dans le bon sens humain du quotidien. Ne semble-t-il pas
clair que la conscience des choses nous vient avant leur doute, et même
probablement avant la conscience de nous-même ? (cela dépend
de la définition quon en donne).
Argument
de la réalité de la pensée en question
Faut-il ajouter quen toute logique notre esprit pourrait être
tout autant une illusion que la matière ? On pourrait très
bien imaginer que la matière soit réelle et que notre esprit
est une illusion. La matière serait réelle en ce quelle
produit une illusion, et la pensée illusion en ce quil nexiste
rien dautre que la matière. (Ce pourrait être par exemple
la philosophie dun matérialiste pur et dur : la pensée
nest quun produit hasardeux de la matière. Il suffit
dajouter à cela le déterminisme qui fixe les pensées
de façon implacable par une causalité inflexible dans le
temps. La pensée nest alors quune illusion de penser
en ce quelle ne nous est pas propre.)
Qui nous garantit que nous sommes ce quil nous semble que nous sommes ?
Qui nous garantit que notre pensée est telle quon y pense ?
Qui nous garantit que la réalité de la pensée est
perçue par la pensée ? Peut-être que ce que nous
percevons nest quune illusion dune autre chose bien
différente. Peut-être la pensée, cest à
dire la chose qui est à lorigine de la pensée est
dune nature très extérieure à la pensée
elle-même ; bien plus grande ou bien plus insignifiante. Pourquoi
donc considérer notre pensée avant le reste. Le fait que
tout passe par nous, nest pas une garantie, car rien ne nous prouve
que notre pensée est elle-même telle quelle nous apparaît.
Argument
de lignorance de la pensée
Je tiens à montrer que nous ne savons même pas ce quest
la pensée telle que nous pensons la connaitre. En effet quand nous
pensons, nous pensons toujours à quelque chose. Même quand
nous pensons que nous pensons, nous pensons toujours à un « quelque
chose » en loccurrence que nous pensons. Si cela se voit
bien dans le modèle que jai établi, le constat reste
indépendant de ce modèle et me semble tout à fait
acceptable par le bon sens. Il ny a donc aucun bon sens à
lacte de « purement penser », car le fait
de penser sapplique systématiquement à un contenu,
à un « quelque chose ». Que signifie donc
« penser » (out simplement) en-dehors de « penser
à une chose quelconque» ? Cela peut nous suggérer
que le fait de penser est un réel mystère que nous ne connaissons
même pas. Non que je partage cette conclusion, mais son acceptation
est tout aussi valide que le refus de la matière. Si on raccorde
cela à la conscience sémantique, lidée dune
réelle pensée inaccessible prend tout son sens. Au vu de
cette réflexion, peut-on sappuyer sur le principe de la pensée
comme principe premier ? La pensée est un vrai mystère.
Nous nen connaissons que son exercice, ce quil nous est donné
de voir.
Argument de linaccessibilité du sens de la pensée
Il se trouve ensuite que le mécanisme même de la pensée
qui nous permet de penser la démonstration (de linaccessibilité
de la réalité) nest pas connu. Même dans le
cadre de notre modèle de la pensée, il est impossible de
percevoir léchaffaudage des cellules qui construisent un
tel raisonnement. Une telle pensée est si hautement élaborée,
et contruit sur des concepts si abstraits, (entretenant je ne sais quel
rapport avec la psychologie de haut niveau) que notre méconnaissance
nous rend bien incapable de donner un sens bien logique à larticulation
de cette pensée . Doù vient-elle ? Comment
est-elle conçue ? Quels sont ses rapports avec tous les centres
du système de la pensée, pour en déterminer la nature
psychologique ? Répondre à ces questions nous est complètement
impossible. Comment donc accorder un crédit à une telle
pensée ? Il est vrai quon peut choisir de dire que cest
un mystère de base quon ne peut élucider. Mais à
cela je rétorquerai : cest trop facile, car la pensée
elle-même réagit selon une certaine logique. Et donc cela
peut-être étudié, et tant que nous ne connaissons
pas les mécanismes logiques de la pensée de façon
précises, il nest pas acceptable pour la démarche
logique de poser gratuitement lun ou lautre des concepts comme
une réalité de base. Il est vrai que même si le modèle
est matériel ou purement mental, la logique sy applique de
lintérieure. Il est vrai que nous sommes très loin,
et même peut-être incapable, de connaître le mécanisme
logique de notre pensée. Mais est-ce une raison suffisante pour
lui donner le caractère primordial ? Je pense que cela nest
pas satisfaisant dans une démarche logique qui se doit toujours
de dire « pourquoi ? ».
Argument
de la méconnaissance de la question
Notre méconnaissance de la pensée ne sarrête
pas là. Dans la situation qui nous occupe à savoir le raisonnement
qui nous montre que la réalité extérieure est impossible,
il se trouve encore une chose que nous ne connaissons pas bien ;
ce sont les concepts que nous manipulons. Il est vrai quil
est possible de définir de façon toujours plus précise
nimporte quelle phrase, mais il y a dans la question plusieurs concepts
que nous ne connaissons même pas. Pour n'en citer que quelques uns :
le concept dintérieur (ou pensée, ou esprit, ou réflexion,
etc ). Nous avons montré que ce concept nous était
relativement inconnu. Il y a ensuite le concept de réalité
extérieure ; même si lon comprend que cette réalité
est plus vaste que ce que nous pouvons percevoir dun objet, peut-on
dire vraiment dire ce quest cette réalité autrement
que « quelque chose qui désigne lobjet dans sa
totalité ». Mais alors quest-ce que la totalité
de l'objet, et ainsi : quest-ce que sa réalité. La
réalité extérieur est donc un concept que nous pouvons
définir uniquement comme une vue de lesprit.
Si donc on la désignait comme une réalité réellement
extérieure, il faudrait supposer son existence de fait, et cela
ne nous dit toujours pas ce qu'elle est ; sinon une sorte de mystère
qui en plus dêtre imprécis est difficilement acceptable
par le bon sens. Sans entrer dans le détail, ce concept que certains
appelent la « réalité en soi », restera
toujours très mystérieux. Savons-nous de quoi nous parlons,
si même cette « chose » existe. En conclusion,
on manipule des notions dont le sens purement mental, fait allusion à
des réalités que nous ne connaissons pas en précision.
Est-il sensé daccepter un tel raisonnement comme un bon sens
? Les concepts contenus dans ce raisonnement sont susceptibles eux-mêmes
dêtre refusés par le bon sens. Comment accepter alors
la globalité du raisonnement.
Quand je dis « la réalité que je manipule existe
bel et bien », je nai pas limpression de parler
d'une réalité limité à lintérieur,
mais je n'ai pas non plus l'impression de parler d'une réalité
d'un quelconque « en soi » à lextérieur.
Argument
du problème de la primauté
Dans toute démarche qui débute, il faut faire un premier
pas. Il se trouve quen philosophie, il est fréquent de faire
le premier en choisissant un principe premier. Cest cela que jappelle
une base de la métaphysique. Sans entrer dans les détails,
il est dailleurs fréquent de choisir une base concrête
pour commencer à raisonner (un contenu) et une base abstraite (une
démarche) qui est souvent la logique augmentée de quelque
principes bien spécifiques. Refuser lexistence de la réalité
extérieure, cest poser la pensée comme base de la
métaphysique (ou de la philosophie de lexistence, selon quon
suppose une existence métaphysique ou non). Il est vrai que tout
passe par la pensée. Mais le fait que quelque chose soit indispensable
est-il suffisant pour le poser comme base ? Lair, le corps,
la terre, lunivers, la matière, le langage, etc tant
de choses indispensables peuvent être (et ont été)
posées comme base de la philosophie de lexistence.
Est-ce bien raisonnable de poser un principe et ensuite détudier
les autres en prenant celui là comme base ? Tous sont interdépendants.
Le sens des choses ne vient pas initialement du choix dun principe,
il nous est donné avec la vie. Les principes se découvrent
après. Commencer par un principe, cest aussitôt prêter
le flan à la faiblesse logique par le fait que celui là
nexiste que par lexistence des autres, à moins de le
décréter gratuitement en-dehors toute évidence.
Qui serait assez convaincu en lui même de dire que sa pensée
est indépendante de tout autre principe ? Le fait même
dexprimer ma pensée par des mots, montre comme elle est liée
à la matière. Si elle était indépendante,
pourrait-elle sexprimer de la sorte ? Lexistence du sens
des pensées tellement lié à la perception ne rend-il
pas superflu linvention dune réalité parrallèle
à lextérieure qui nous y donne accès ?
Si je choisis lindépendance de la pensée comme principe
je dois le décréter dogmatiquement. Car la pensée
semble en étroite conivence avec la perception. Je ne donne pas
ici la preuve de matérialité de la pensée, mais je
montre que le constat dindépendance ne peut être prouvé;
par le simple fait que nous sommes tous dans un corps pour parler, Dans
ce cas, comment peut-on parler de la pensée sans le corps ?
Ainsi avec des considérations purement pratique, parler de la pensée
sans la matière nest pas une évidence du bon sens.
Si la tentation est forte de considérer la pensée comme
ayant quelque chose de plus que la matière, il semble difficile
de la rendre indépendante de la matière. Aucune évidence
du bon sens ne peut le montrer, seul un sentiment très subjectif.
Ainsi, il me semble que le seul point de départ si on veut être
sensé, cest prendre le tout comme il nous est donné
de le trouver en entrant et en évoluant dans la vie. Pour la vie
que je mène, telle que je la mène, il me faut tout ce que
jai. Prendre la pensée comme base première est un
choix purement subjectif. Je ne pense pas quil soit intéressant
de poser une base à partir de laquelle raisonner. En regardant
lhistoire de la philosophie, il me semble que tellement de raisonnements
commencent par « qui est le plus grand » ou même
par une affirmation « voici le plus grand » . Et
pour commencer un système philosophique, si on prenait les choses
comme elles viennent, sans vouloir se faire le juge du monde ? En
se contentant dêtre notre propre juge, il y aurait assez à
faire (Mais que suis-je en train de faire ! Je viens de redécouvrir
que je suis aussi un philosophe )
Je suis jeté dans la vie, je méveille doucement pour
mapercevoir que la vie est immensément vaste, immensément
complexe. Je découvre, je trébuche, je passe lobstacle
et je découvre toute cette trame gigantesque dont joccupe
un si petit morceau. Ce que je suis pour moi, est-ce claire ? Peu
de choses le sont moins dans la profondeur. Je prends la vie comme elle
mest donnée.
Je rejette ma propre primauté. Pourquoi me poserai-je moi-même
comme base première de ma vie ? La vie ne mest pas donnée
en ayant conscience de moi seulement, ni même en premier. Il est
vrai que je pense beaucoup en fonction de moi, et que ma part est importante
et inextricable, mais je réalise que me poser en primauté
absolu ou en base première pour expliquer ma vie me conduit dans
un terrain flou, hors du bon sens. Sil faut établir un premier,
je ne saurais même pas quoi choisir : moi, les autres, la matière.
Tout ce qui mentoure mest donné avec ma vie, et ma
vie cest tout cela, ce nest pas « dabord
moi ». Non la pensée ne me semble pas un choix de primauté
indiscutable.
Nous
avons vu que le principe « penser » comme fiabilité
première est discutable vu son inaccessibilité ou sa méconnaissance
(selon le point de vue). Le mécanisme de la pensée lui aussi
est méconnu, puis le contenu de la réflexion qui nous importe
est elle-même difficile. En conclusion, peut-on se fier à
un raisonnement qui rejette la réalité extérieure,
alors que la simplicité du bon sens nous accrédite la réalité
extérieure sans autre ombre ? Comment peut-on venir à
se confier en une logique si éloignée du bon sens qui na
comme cohérence que le doute de la logique appuyer sur des bases
dogmatique pour sopposer à la force puissante dun bon
sens bien établi.
La Science est recherche de la réalité objective partageable.
Le sens est le ressenti instantanné d'un tissu organisé
de concepts formant une unité cohérente liée à
la totalité de nos aquisitions (qui sont pour chacun un autre sens).