Introduction à la Théorie de la connaissance


Introduction
Le programme que je me suis fixé est ambitieux, il consiste en une étude du sens de la vie. La partie que nous abordons présentement, bien qu’assez éloignée de la conclusion finale, apporte une pierre non négligeable à l’édifice intellectuel que nous cherchons très modestement à construire. Cette partie consiste en l’étude de la connaissance et de la pensée humaine.

Il faut sans doute que je sois bien naïf pour entreprendre une telle étude. il faut peu de temps pour réaliser à quel point l’étude de la pensée et de la connaissance est tenante d’une complexité incroyable. Dans ces conditions, est-il alors raisonnable d’entreprendre une telle étude ?
Sans disserter sur le sens du mot « raisonnable », j’ai le souhait de mettre sur pied une intuition de la perception que j’ai développé dans une tentative naïve de synthèse. Je suis conscient de mon ignorance dans bien des domaines nécessaires à l’élaboration d’une telle théorie. Aussi suis-je plus ou moins persuadé de commettre bon nombre de maladresses, voire de franches erreurs. Mais je pense que le modèle que je propose possède une cohérence qui peut présenter un réel intérêt. C’est à cet objectif de synthèse que je veux m’atteler.

Avant de commencer je tiens à préciser le lecteur pressé d’arriver au vif du sujet qu’il sera confronté à une interminable introduction. Non qu’elle soit indispensable à la présentation de la théorie, mais simplement parce que j’ai cherché à rendre au plus juste mes impressions premières, celle qui m’ont guidée vers la théorie. Et je pense qu’elles aideront à cerner les notions élémentaires (notament la notion que j’appelle concept). Aussi je propose au lecteur pressé de commencer l’introduction et de la quitter dès que les lourdeurs commenceront à se faire sentir. Si j’en ai déjà trop dit, on pourra se rendre directement au chapitre de la présentation du modèle qui ne dépend pas directement de l’introduction qui le précède.

Approche d’une théorie de la connaissance
La démarche qui m’a conduite
C’est la recherche des questions existentielles qui m’a conduit à formuler une théorie de la connaissance. En effet, dans toute question existentielle, il y a matière à discussion, à conjecture, à raisonnement, à question. Chaque homme, de par son bagage et ses aspirations, possède une approche différente de ces questions fondamentales. Il est dans la nature humaine de partager les connaissances, de les confronter, de les critiquer, de les rechercher, les étendre, les unifier, les synthétiser.
Derrière ce mécanisme d’accès à la connaissance, existe-t-il une connaissance universelle qui permettrait une approche indiscutable de la vie ? Il est difficile de répondre affirmativement d’emblée à une question si vaste et si vague. Mais a priori il est difficile de croire en une voie d’accès priviligié dans l’accès à la connaissance.
A contrario, la connaissance est-elle purement subjective ? Le sens de la vie est-il dépendant de l’individu ? Le palabre pourrait s’éterniser. Mais les questions de l’universalité de la connaissance et du partage de la connaissance ont fait naître en moi la question de la vérité. Et sans forcément aller chercher l’existence d’un fond solide à la connaissance, existe-t-il des moyens de distinguer entre le vrai et le faux. Quels moyens, quelles limites et quelles capacités peut-on attendre dans la distinction de la vérité et de l’erreur ?
La connaissance est un agrégat d’affirmations, de raisonnements, d’observations, et de principes très variés. Ainsi, une des premières questions pourrait être : « Comment peut-on juger notre connaissance et la connaissance d’autrui ?». Bien qu’on ne sache pas vraiment ce qu’est la connaissance, porter un jugement sur le contenu de la connaissance est une part importante de l’activité humaine.
Ainsi, un questionnement sensé conduit à s’interroger sur le contenant. La connaissance du fonctionnement de la pensée devrait sans doute apporter de nombreux éléments de réponses et de réflexions, de nombreuses orientations pour savoir comment juger le contenu de la connaissance. Il ne s’agit pas d’élaborer une méthodologie de la connaissance fiable, une épistemologie, mais de chercher à connaître la connaissance pour mieux la juger. En effet, on connaît beaucoup de choses nous permettant de juger comparativement des connaissances les unes par rapport aux autres, par contre on connaît très peu la connaissance elle-même, ses mécanismes d’acquisition, de communication, de conservation.

Voilà présenté un de mes intérêts premiers pour une théorie de la connaissance. Plusieurs ont déjà élaboré cette recherche sous cet angle. Une des tentatives les plus illustres est sans doute « la critique de la raison pure » de Kant dont l’objectif était de limiter la raison à un cadre ‘plus raisonnable’. Sa démarche a débuté sous forme d’une sorte de théorie de la connaissance. Et bien d’autres ont effleuré le sujet au détour de leur recherche ou en ont entièrement fait l’objet de leur étude.
« Comment connaît-on ? par quels procédés ? Comment cela est-il organisé ? Qu’est-ce que la pensée ? Peut-on envisager de l’étudier ? » sont des questions importantes qui laisse envisager des conséquences majeures sur la fiabilité des connaissances elles-mêmes. Tout au moins sur certains types de connaissances.
Quel sont les concepts élémentaires qui permettent de décrire la pensée ou qui constituent le fonctionnement de la connaissance ? Existe-t-il même des principes élémentaires ? Sont-ils accessibles aux raisonnements, à la connaissance? Etc.

Une définition
Commençons par expliquer ce qu’on entend par « théorie de la connaissance ». C'est une théorie chargée d'expliquer les fonctionnements de la pensée. Non pas tous les principes psychologiques humains, mais des principes suffisamments clairs, précis et primaires pour que leur explication donne une idée crédible de la nature et du fonctionnement de la pensée humaine.
On cherche donc des principes existant chez tous les êtres humains et globalement indépendants des contenus de la pensée. Il faudrait que ces principes expliquent des phénomènes aussi variés que le raisonnement, la mémoire, l’émotion, l’apprentissage, le désir, la perception, le sentiment, etc…
On peut facilement produire des modèles explicatifs qui ne prennent en compte qu’un aspect des choses (par exemple le langage ou la perception, la connaissance scientifique, les sens, etc…), mais cet aspect partiel peut être ressenti avec frustration, car la totalité du système semble irrémédiablement lié. D’autant que de tels modèles sont facilement construits sur des postulats très dogmatiques, trop liés à un contexte spécifique, présentant une objectivité douteuse.
Il semble a priori insurmontable de concilier autant d’aspects dans une théorie unique et synthétique. D’autant qu’en abordant la pensée, on rejoint très vites des notions très difficiles à définir, et encore plus à expliquer, comme le sont la conscience de soi, les sentiments, l’art, etc…

Je propose une théorie de la pensée qui n’a évidemment pas la prétention de pouvoir expliquer toutes ces choses. Elle est donc incomplète et forcément erronée. Mais je pense qu’elle a le mérite de donner une unité à une gamme très large de phénomènes de la pensée, et surtout une cohérence à ce large panel de phénomènes ; tout en laissant une place naturelle pour ce qui n'est pas expliqué.
Les termes de pensée, de connaissance, de conscience seront pour l’instant utilisés indifféremment. Nous établirons des définitions plus précises au moment de l’élaboration de la théorie. Et d’ailleurs contrairement à beaucoup de théoriciens, on remarquera que l’emploi de mes mots est mouvant, loin d’être univoque, au point d’en être désagréable. Je m’en excuse. (On verra que le modèle me fournit un semblant de justificatif, je reste cohérent avec moi-même...)
L’humble modèle que je propose repose sur des connaissances très parcellaires de la science actuelle. Les sciences cognitives, qui devraient intervenir dans la question, sont très nombreuses : de la psychologie, à la neurophysiologie, en passant rapidement par les mathématiques, (éventuellement l’informatique), la physique, puis s’attardant dans dans plusieurs branches pointues de la biologie, de la philosophie, de la psychiatrie, etc… les éléments à prendre en compte sont extrêmement nombreux et variés. Je suis loin d’avoir unifié toutes ces questions, mais je propose un modèle qui appelle la critique de chacune de ces disciplines.

L’utilité d’une théorie de la pensée
Dans la perspective de ma démarche, une théorie de la connaissance permet premièrement d’avancer dans la compréhension de soi. Le « Connais-toi même ».
La connaissance de soi est utile : elle permet d’avoir davatage de recul, et ainsi de donner une stabilité accrue face à la vie. La connaissance de ses mécanismes internes permet d’agir sur soi pour influencer ces mécanismes dans un sens désiré. De façon générale, la connaissance ouvre des portes, donne un pouvoir accru, elle permet donc d’espérer. La connaissance fait tomber des barrières, car elle permet de comprendre. Comprendre le pourquoi, le comment, le qui, le quand, le quoi… Ce qui peut épargner certains troubles, certaines craintes, résoudre des difficultés, apporter une capacité accrue ; mais parfois cela apporte aussi de nouvelles difficultés.
Une théorie satisfaisante de la connaissance devrait pouvoir aider à chercher des remèdes à certains troubles de la pensée et de la connaissance, en ce qu’elle donnerait un cadre précis et satisfaisant pour réfléchir aux déviations et troubles de la pensée. Nous n’irons évidemment pas jusque là. Mais il est bon de s’encourager en présentant les espoirs d’une telle théorie.
Comme je l’annonçais plus haut, j’attends d’une théorie de la connaissance qu’elle puisse aussi aider à démêler l’écheveau de la vérité et de l’erreur. Le mécanisme de la connaissance devrait pouvoir aider à résoudre certaines questions philosophiques ; en particulier, elle pourrait nous aider à trouver une méthodologie d’une connaissance plus fiable. Elle nous aiderait probablement à distinguer dans l’erreur de connaissance la partie qui nous échoit et la partie qui est extérieure à nous. Elle devrait pouvoir nous aider à connaître la fiabilité de notre connaissance en nous faisant connaître les mécanismes de son agrégation.
Une théorie de la connaissance complètement menée devrait pouvoir apporter des renseignements intéressants ou du moins éclairer certains débats sur des questions existentielles profondes : sommes-nous des êtres matériels ou « sur-matériels » ?
En effet, il est évident que dans la pensée, il y a l’existence, et de notre existence à l’âme, il n’y a qu’un pas. Une théorie de la connaissance devrait rendre compte de la nature de cette existence, le « Je pense donc je suis » de Descartes. Tout au moins devrait-elle apporter des renseignements intéressants. Il est entendu que nous n’irons pas non plus jusqu’à répondre de façon objective à ces questions très délicates. Mais il y aura malgré tout d’intéressantes réflexions à tirer de la théorie que je propose.

Plusieurs voies pour établir une théorie de la connaissance et de la pensée
Il existe plusieurs angles d’attaque possibles pour établir une théorie de la pensée.

L’angle matériel
L’élaboration de la théorie commence alors par une recherche physiologique. On entrevoyait depuis longtemps, et on sait depuis un certain temps maintenant que le cerveau possède un rôle majeur dans la connaissance. On sait au travers de plusieurs expériences et d’innombrables constats que la connaissance est très intimement liée à la structure du cerveau. On connaît même certaines fonctionnalités dépendant de certaines zones du cerveau. La recherche neurologique a fait des progrès importants dans la fin de ce millénaire, mais structurer ces découvertes par une théorie de la connaissance pose de grande difficultés : il y a de nombreux pas à franchir, entre autre le pas inaccessible de la conscience. On pourrait être tenté d’établir un pronostic sur cette méthode de recherche : à savoir l’impossibilité d’obtenir la réponse à la question spirituelle par la voie matérielle. Mais l’on connaît les surprises que nous réserve la nature par rapport à tous nos a priori philosophiques.
En tout état de cause, on sait que le chemin qu’il reste à parcourir pour joindre les manifestations nerveuses à une théorie matérielle de la connaissance est encore très long. Par ailleurs, on sait que l’approche matérielle possède un avantage certain ; celui de former une connaissance fiable, objective, partageable par des constats d’évidence et de clarté expérimentale (dans l’ensemble…).

L’angle psychologique 
L’élaboration de la théorie provient dans ce cas d’une recherche introspective. Au lieu de chercher la connaissance dans la structure matérielle et physiologique du corps, on recherche une théorie, une explication par l’analyse de la pensée. On essaie de rechercher les différents pôles, les principes, les relations, les modes de fonctionnement de la pensée humaine par l’observation de soi et des autres. Cette méthode présente l’avantage d’être au « cœur du sujet ».
Mais les inconvénients sont nombreux à commencer par le fait que chercher à comprendre la pensée par la pensée peut conduire à une perturbation de l’observation. Puis l’inconvénient le plus important consiste dans le fait que la pensée est subjective, elle ne présente pas un caractère expérimental clair, objectif et indiscutable. Il n’est donc pas possible d’apporter une argumentation limpide par une construction introspective.
On peut ajouter à cela qu’il existe toujours un flou dans la définition et la perception des concepts qui permettent d’analyser la pensée ; il est donc difficile d’isoler clairement des pôles primaires de fonctionnement. Pour illustrer ces propos, on peut citer Kant qui dans sa théorie de la raison n’a pas aperçu l’existence d’un inconscient. On peut aussi songer à sa façon de disséquer le raisonnement en catégories ou de poser « ses principes purs » par ailleurs très discutables. Si l’on s’intéresse aux théories freudiennes et plus généralement à la psychanalyse, on constate la difficulté d’avoir une approche rationnelle fiable. On y découvre une réalité nouvelle : l’inconscient, base d’une nouvelle approche de la pensée. Mais toutes ces théories n’apportent pas une lumière suffisante dans la compréhension du mécanisme de la connaissance humaine.

Tout cette incertitude, cet aspect insaisissable, ce flou est dû à la difficulté d’aborder la connaissance en classifiant la connaissance. Tout y est tellement lié, tous les concepts sont tellement imbriqués les uns avec les autres, qu’il est difficile de dissocier des pôles primaires et a fortiori d’élaborer une théorie unifiée sur un mode objectif.

L’angle  mécanique
On peut aussi aborder l’élaboration d’une théorie de la pensée par une recherche des mécanismes de la pensée. On pourrait dire que l’angle psychologique aborde la pensée par le feuillage, c’est-à-dire par la pensée elle-même ; l’angle matériel aborde la pensée par les racines : ses manifestations physiques qui sont très éloignée dans la forme des feuilles. L’angle mécanique aborde la pensée par le tronc : c’est la recherche d’une structure de fonctionnement qui donnerait l’explication des phénomènes de la pensée en faisant le lien entre le feuillage (les pensées) et les racines (le système nerveux).
Encore faudrait-il que l’image de l’arbre soit recevable : existe-t-il un tronc qui rassemble en une structure assez simple l’intermédiaire entre les pensées et la physiologie ? Au regard de la complexité du feuillage et des racines, le programme semble ambitieux. Et c’est bien l’inconvénient majeur d’une telle méthode : l’apparente impossibilité de fournir un modèle acceptable au vue de la complexité et de la quantité des mécanismes en jeu.
D’un autre côté l’avantage d’une telle méthode serait de reposer sur une base purement logique. Mais une telle quête ne s’apparente-t-elle pas à la recherche d’une chimère, de par l’aspect purement hypothétique de l’existence d’un tel mécanisme. La méthode cumule la faiblesse des deux autres approches. Elle est critiquable au même titre que les méthodes psychologiques, car la distance entre l’aspect physique physiologique et l’aspect « perception intérieure » de la pensée est très grande. Il y a donc fort à croire qu’une telle théorie naviguerait dans de pures hypothèses. De plus, n’étant pas très liée à l’expérimentation, elle sera d’autant plus sujette à l’erreur. Elle connaît aussi la faiblesse des méthodes pratique en ce sens qu’elle est forcément à côté du vécu de la pensée, puisqu’elle se situe sur un terrain logique et mécanique.
A priori il semble difficile de lui accorder le crédit de la confiance, le fossé entre mécanisme et vécu semble tellement infranchissable...
Et bien, malgré toute ces critiques, c’est pourtant la voie que j’aimerais prendre. Car même s’il y a fort à parier que la théorie contiennent une multitude d'erreurs, elle peut apporter une orientation qu’aucune autre approche ne peut produire : la cohérence globale ; le lien entre l'apparence et le vécu. C'est une base appréciable pour aborder la connaissances.
Si le tronc d’un arbre a peu en commun avec ses racines ou son feuillage, il possède l’avantage d’une relative simplicité comparée à ses deux extrémités (la métaphore étant limité au point de vue morphologique). C’est dans cette recherche d’une formalisation synthétique que je désire unifier l’aspect physique et l’aspect psychique de la connaissance.

Le point de départ 
Dans l’élaboration d’un théorie, l’angle par lequel on aborde la construction possède souvent une grande importance. Le point de départ est la semence de l’arbre qui en naîtra.
Freud part du constat suivant  « laissons sortir ce qui est à l’intérieur et nous verrons ce qu’il en sort ». Il construira alors une théorie de l’inconscient. Kant, quant à lui, quand il recherche la connaissance, c’est sous une autre perspective. Il s’intéressait principalement à la connaissance scientifique. Sa réflexion serait plutôt : « partons de la façon dont une connaissance fiable se construit : c’est par le raisonnement et essayons de voir comment sa fiabilité s’installe en nous ». Il construira alors une critique des bonnes et mauvaises façons de construire la connaissance.
Pour ma part, je choisis une autre approche. Et comme à mon habitude je suis très vigilant sur le point de départ. Je ne souhaite pas m’enfermer dans une problématique qui cloisonnerait ma route. Avant de me poser davantage de questions dans une direction précise, j’aimerais donc apporter en vrac plusieurs éléments de réflexion assez dispersés qui ont constitué le cadre éparse de ma réflexion initiale.
Les quelques éléments hétérogènes qui suiveny ont constitué les pôles, les points attracteurs qui ont construit et fécondé ma démarche.

Un cerveau fait de neurones
Nous avons vu le vaste objectif qui consiste à rendre cohérent, à unifier par une théorie les domaines aussi éloignés que sont la psychologie et de la neurologie. La voie matérielle impose de considérer le cerveau qui semble bien être au cœur du mécanisme de la penée. On se limitera à citer quelques faits brefs qui vont nous aiguiller dans notre théorie :
On peut raisonnablement penser que le cerveau est le siège de la pensée car d’innombrables expériences montrent des parallèles parfois très précis entre l’activité du cerveau et l’activité mentale. De nombreuses expériences montrent aussi que des déficiences du cerveau (lésion cérébrale par exemple) conduisent à des déficiences mentales variées (perte de la mémoire, du langage, de la vue, de la raison, de la coordination, etc…). Ainsi le rapport entre le cerveau et la pensée n’est pas très difficile à établir. Mais de là à expliquerla pensée, il y a fort à faire. S’intéresser à la constitution du cerveau semble donc primordial.
Le mécanisme du cerveau est essentiellement basé sur les neurones : ce sont des cellules connectées entre elles selon un écheveau fort complexe (souvent appelé réseau). Un homme possède environ 100 milliard de neurones. Chaque neurone est connecté jusqu’à 10 000 neurones qui lui apportent des informations. Et ce même neurone est aussi connecté jusqu’à 10 000 autres neurones à qui il apporte ses propres informations.
Les connexions entre neurones dans l’ensemble sont fixes, mais il y a une évolution des connexions tout au long de la vie. En particulier, le nombre de ces connexions diminue.
L’information est véhiculé dans le neurone par un courant électrique, mais pour passer d’un neurone à un autre il traverse des membranes par un véhicule chimique.

Les sens sont liées au cerveau
Les cellules sensitives qui permettent la vision, le toucher, l’ouïe, le gout, l’odorat sont relier au cerveau par des liaisons nerveuses qui entrent directement en relation avec les mécanismes actifs du cerveau. Cela signifie que la connaissance, que les stimuli issus des sens (les excitations, les perceptions) sont réceptionnés et analysés par le cerveau.
La plupart des muscles sont reliés au cerveau par des fibres nerveuses qui leur donnent des ordres calculés et coordonnés pour agir. Par contre, certaines muscles agissent de façon réflexe sans signal permanent émanent du cerveau (le cœur). Dans l’ensemble, cela signifie que le cerveau est le principal moteur d’action de l’organisme.
Lorsque notre pensée nous commande un ordre de mouvement, c’est du cerveau qui proviennent les ordres destinés aux nombreux muscles qui accomplissent cet ordre.

Le cerveau est constitué de plusieurs parties
On a constaté dans le cerveau des zones de fonctionnalités précises : la vision, le langage, les sentiments, etc.. Ce constat de régionalisation a d’abord été observé lors de lésions du cerveau apparaissant dans un secteur précis. Une liaision bien localisée correspondait souvent à la déficience d’une fonctionnalité précise. On a donc appris que certaines régions précises du cerveau avait un rôle dans certaines fonctionnalités déterminnées du corps.
Les mécanismes neurologiques animales ont été une grande source d’apport dans cette direction. Et plus récemment l’imagerie médicale a permis de visualiser ce qui se passe dans le cerveau sans intrusion à l’intérieur, uniquement par l’image. L’intérêt énorme de cette technique est surtout de pouvoir étudier l’individu en situation quasi-naturelle. On a pu ainsi multiplier les connaissances sur le mécanisme cérébral.
Le cerveau est composé de parties physiologiques délimitées: cortex, thalamus, hypothalumus, bulbe rachidien, etc… L’expérience a donc montré que chacune de ces parties entre en jeu dans des fonctionnalités bien définies. Mais il serait erroné de croire que tous les mécanismes du cerveau sont régionalisable. On constate que de très nombreux mécanismes font intervenir plusieurs régions très variées et aussi que certaines régions assez précises semblent entrer en jeu de nombreux mécanismes variés.
L’étude du cerveau s’avère donc très complexe. Le cerveau semble difficile à expliquer par une théorie synthétique.

Une démarche matérialiste
En regardant l’histoire de la science moderne, les hommes ont souvent prédit des barrières philosophico-religieuses à l’explication matérialiste et aux possibilités de la science. Comme exemple, on pourrait citer les faits suivants :
Beaucoup étaient persuadés que la chirurgie n’apporterait rien à l’humanité car elle était un sacrilège ; la pratique a largement montré le contraire.
« On » était assuré que seul Dieu avait le pouvoir de la création de nouvelles espèces animales et végétales, aujourd’hui la génétique à largement déplacé ces bornes.
On n’aurait sans doute jamais imaginé que l’homme ait pu apporter une aide médicale à la contraception ou même à la conception.
On n'aurait jamais imaginé qu’un jour l’homme puisse inventer un procédé tel qu’en appuyant sur un bouton il puisse détruire toute la terre. Seule la divinité en possédait la puissance.
On n'aurait jamais cru que l’homme pourrait aller se promener dans l’espace ou sur d’autres corps celestes ; la terre et le contact avec le sol lui étaient réservés.
Etc…
En généralisant cette pensée, d’aucuns sont allés très loin en affirmant que seule une explication matérialiste pouvait donner raison de tout. C’est sans doute un raisonnement un peu rapide. Par exemple, lorsqu’on parle de la pensée humaine, on est au cœur d’un retranchement où la matérialisme n’a pas (encore ?) beaucoup de prise. En effet avec « pensée » se trouve aussitôt associé « conscience de soi » et toutes ces questions existentielles qui se présentent aussitôt en foule.
C’est pourquoi l’enjeu de la matérialité de la pensée n’est pas négligeable. On pourrait être tenter de croire que si la pensée possède une explication matérielle, tout le reste devra donc se soumettre à la matérialité. Il n’est alors pas difficile d’imaginer que l’existence toute entière s’inscrive dans la matérialité. Les conséquences philosophiques peuvent être alors importantes autant théoriquement qu’individuellement. En voyant le cerveau fonctionner parallèlement avec la pensée par le moyen des IRM, on est en droit de poser cette question avec réalisme.
C’est pourquoi ma démarche consiste à avancer sur le terrain matérialiste. Il semble bien à l’évidence que la pensée soit directement dépendant d’un fonctionnement matériel. Mais de l’autre côté, il semble difficile d’imaginer que les pensées existentielles et l’existence elle-même n’aient pas plus de valeur qu’un courant électrique. Si un atome qui se désintègre ne me gène pas, un homme qui disparait représente beaucoup plus pour moi, surtout quand il m'est proche. Il possède une autre valeur, une autre mesure dans l’échelle des valeurs. Et d’ailleurs quel est le rapport entre ces valeurs et la matérialité ?
C'est coincé entre ces deux faits extrêmes – la matérialité des mécanismes de la pensée et l’irréductibilité de la pensée à la simple matérialité – que je pose mon projet d’étude.
Il me faut partir de ce qui est le mieux établit, le plus objectif. C’est par définition la matérialité. Naturellement je vois assez mal comment je pourrais rejoindre la spiritualité en partant de la matérialité. C’est pourquoi mon optique de départ se limite à une question plus modeste. « Jusqu’où la démarche matérielle et mécanique peut-elle nous expliquer la pensée ?».
Si cela semble curieux de prime abord, la démarche semble fort intéressante : la recherche des limites de la matérialité pour connaître la dimension de la spiritualité. Il faut donc pousser la matérialité dans ses retranchements. La théorie de la connaissance en est sans doute un des meilleurs représentants.

« Toute conscience est conscience de quelque chose »
Selon Sartre, Husserl en ayant cette idée a révolutionné la philosophie. Ce n’est pas tout a fait dans son sens initial que je vais utiliser cette phrase, mais cette idée résume bien un principe fondateur de ma théorie à savoir que notre pensée semble toujours vivre une seule idée à la fois. Dans cette idée peut se trouver de multiples choses réunies, mais il est une impression en moi qui me fait croire que notre pensée n’arrive qu’à suivre un lièvre à la foi, n’arrive à se fixer instantanément que sur une seule chose à la fois. Quand bien même une pensée serait faite d’une foule de choses, on a l’idée que tout se suit en image successive comme dans un film fait non seulement d’images et de sons, mais aussi de pensées. Nous verrons que cet apophtègme apportera encore davantage ultérieurement.

L’acquisition de la connaissance et de la pensée.
En abordant le problème de la pensée par une démarche matérialiste, il est très naturel de se poser la question : « comment se forme la connaissance humaine lors de la croissance de l’individu dès son origine ? ».
Il ne s’agit pas d’analyser la pensée comme Freud en la disséquant en pôles primaires subjectifs, ni par une introspection dans ses malaises originels ; la pensée est un produit fini trop complexe.
Je cherche à comprendre la pensée au travers de sa genèse. La naissance de la pensée dans le développement d’un homme : l’embryon, le fœtus le bébé, l’enfant, l’adolescent puis l’homme.
Sans oublier de prendre en compte tout les cas particuliers, ceux qui sortent de la voie « habituelle » : la sénilité, la folie, la débilité, la privation d’un organe des sens, le coma, le sommeil etc…
Ce pilier de l’édifice me semble tout indiqué. Essayer de comprendre comment l’embryon et le nouveau né peuvent évoluer vers la pensée. En imaginant que la pensée soit un processus mécanique, on peut raisonnablement estimer que les principes mécaniques sont déjà présents dans le nouveau-né, par contre la connaissance est encore dans un stade d’acquisiation très réduit. L’état du nouveau né, son comportement donnera donc des indices précieux sur la nature de la mécanique originelle.
L’évolution du nouveau-né par l’enfance et vers l’adulte devraient aussi apporter des indices de fonctionnement de cette mécanique.
Dans une perspective mécanique, l’approche du nouveau-né est intéressante en ce qu’elle semble relativement simplifiée.
On sait par exemple que l’embryon humain perçoit assez bien les sons, ce qui le dote déjà d’une certaine forme de connaissance. Qu’est-ce qui est acquis au jour de la naissance ? Et naturellement avec cette quesion suit d’autres questions : qu’est-ce qui est inné ? Il semble que le nouveau-né possède déjà beaucoup d’acquis mentaux. Si le cerveau du nouveau-né n’est pas complètement constitué, il possède malgré tout des facultés de perceptions déjà bien développées. La question devient alors : quelles sont les pensées du nouveau né ? Que se passe-t-il dans sa tête ? Nous nous étendrons sur ces questions plus tard.
Comme nous l’avons évoqué, il s’agit de montrer que le problème de la connaissance abordé sous l’angle de la formation humaine peut apporter des éléments primordiaux pour un modèle de la pensée et de la connaissance.Voilà pourquoi la démarche s’appuiera sur cet angle d’approche.

La complexité de la pensée humaine …dans des neurones presque identique.
Sous l’idée de la matérialité de la pensée, derrière toute la complexité du cerveau, un fait apparaît marquant : c’est que la complexité de nos pensées puisse exister en se servant d’un mécanisme physique de base assez ‘simple’, le neurone.
En fait, le neurone comme tout corps biologique est très loin d’être simple, mais il faut comprendre qu’il semble assumer deux rôles très distincts a priori :
le premier est de véhiculer la pensée humaine (tout au moins en partie) : les fonctions tels que le langage, le mouvement, les sentiments sont directement liés à des parties du cerveau constituées de neurones. Il est donc clair qu’au moins une partie de la pensée (si ce n’est la totalité) est véhiculée par les neurones.
Le deuxième rôle imparti aux neurones, on l’oublie souvent en tant que profanes, c’est de s’assumer pour vivre. Comme toute cellule dans l’organisme, les neurones doivent se nourrir, recevoir de l’énergie, la dissiper, etc… c’est une véritable usine à survivre.

Pour ce qui est de leur structure biologique, les neurones ne possèdent pas une complexité immensément supérieure aux autres cellules. Ils possèdent bien une structure précise et distincte des autres cellules, mais leur complexité ne semble pas incommensurable par rapport aux autres cellules de notre corps. Il est donc possible d’attribuer une bonne partie de la complexité des neurones à leur nécessité de fonctionnement et de survie.
On commence à connaître avec bien des précisions certains mécanismes de réception et d’envoi d’informations (électriques et chimiques) des neurones. La simplicité n’est pas de mise, il est vrai. Mais il apparaît malgré tout une certaine constance et une certaine unité dans les processus en action.
Au terme de cette description, il est possible de penser que le neurone agit comme une usine de base avec un fonctionnement purement « mécanique » (ou plutôt chimique et éléctrique). En considérant le mécanisme qui permet de véhiculer les informations, il semble que ce fonctionnement soit très éloigné de la complexité de la pensée humaine.
La démarche induite par cette réflexion consisterait donc à chercher un schéma de base pour le neurone qui puisse engendrer la complexité de la pensée.
Bien sur, il faut éviter de simplifier à l’extrême, en donnant un rôle unique à tous les neurones. Mais nous avons un axe de recherche très directif : la pensée est un phénomène global issu d’une multiplication d’un schéma de base d’une complexité moindre. (Ou plutôt de plusieurs schémas de base car il y a plusieurs sortes de neurones dans différentes régions du cerveau)

La Démarche suivie :
Nous avons présenté quelques réflexions éparses qui fixent quelques points d’ancrage pour la théorie. Ce sont d'ailleurs des paradigmes classiques qui servent de base à de nombreux modèles. Je pense que c’est une bonne méthode que de s’imprégner du sujet de façon aussi large que possible avant d’entrer dans l’analyse et la modélisation. Evidemment, la neutralité est une utopie : telle imprégnation conduira à telle ou telle théorie. Il s’agit donc d’aborder la question avec largeur.
Nous allons maintenant essayer de construire un modèle théorique d’une façon un peu plus analytique sans toutefois se fermer trop de portes par un usage trop rigide de la logique.

Voici le plan de cette étude.


Liste des états de conscience
Notre but est de modéliser la pensée. Il me semble judicieux de commencer notre recherche par une définition de ce qu’est la pensée. Par définition j’entends non pas des mots qui l’expliquent synthétiquement, mais plutôt un tour d’horizon, un résumé de son existence, de sa manifestion, de sa réalité quotidienne.
La tâche semble vaste, mais je vais tout de suite la réduire, par la remarque suivante : nous avons préconisé un schéma de base simple pour expliquer un fonctionnement complexe. Nous allons donc exclure de notre recherche toute les pensées trop abstraites et trop spécifique à une situation particulière. Nous laisserons de côté les pensées qui reposent sur une analyse des éléments extérieurs ou qui trouvent leur origine dans une complexité inextricable. J’appellerai de telles pensées, des pensées de haut niveau. Nous nous concentrerons sur les pensées de bas niveau, à savoir celles qui sont peu dépendantes de l’objet extérieur ou alors des pensées telles que l’objet extérieur n’est qu’un contenu indifférent, des pensées qui semblent apparaître souvent chez la plupart des individus. Il s’agit en effet d’exhiber un mécanisme synthétique de la pensée et non de chercher l’exhaustivité du champ d’action de la pensée.

Introduction à la théorie par la méthode chronologique
Nous allons ensuite essayer d’approfondir la question de l’acquisition de la connaissance et de la pensée au travers de la croissance humaine. Le sujet est à nouveau est très vaste, il a été traité par d’innombrables spécialistes très compétents dans leur domaine. Il n’est pas dans mon objectif ni dans mes compétences d’avancer sur le terrain de la description et de l’analyse détaillée. Cette observation consiste à rechercher l’existence d’un fonctionnement basique de la pensée. Ce n’est pas tant le contenu de la pensée qui nous intéresse ; c’est le mécanisme. Notre recherche vise davantage à synthétiser qu’à analyser.
Dans le cas de l’enfance précoce, c’est justement la relative simplicité du contenu qui rend propice la découverte de renseignements importants.
Le sujet demeure très vaste ; il serait probablement très intéressant de l’approfondir, mais ma démarche consiste ici à trouver des indices, à éviter de fausses pistes, plutôt qu’à aborder les données de façon exhaustives. Nous nous limiterons donc à quelques éléments succincts de cet aspect du problème qui sont instructifs et directifs pour poser les bases de notre modèle.

Proposition de la théorie : l’aspect local et global.
La justification de la théorie globale de mon modèle réside dans la théorie locale. C’est le fonctionnement du schéma local qui rend clair le schéma global. Le schéma local consiste à expliquer le principe d’une cellule de base du système (autrement dit « d’un neurone »). En fait, le schéma ne se calque pas directement sur les neurones. Mais la théorie sera transposable sur ces neurones, et de plusieurs manières que nous aborderons ultérieurement…
Je vais ensuite présenter mon modèle en exposant certains pôles de fonctionnement : les mécanismes de base, les pôles primaires. Puis je vais expliquer sommairement que l’ensemble des états de consciences peuvent découler de ces pôles de base. Je me limiterai à proposer une structure simplifiée qui pourra être affinnée à volonté, comme nous le verrons. L’objectif consiste à montrer que la théorie est assez cohérente, et non à entrer dans l’immensité des détails qui apporteraient une complexité inutile et des débats d’opinions mal à propos.

Points fort et points faibles
Il conviendra alors de vérifier si la théorie est capable d’expliquer l’ensemble des états de pensées d’un individu. Le modèle n’est évidemment pas complet. Il contient bien des failles, mais il donne malgré tout une cohérence relative entre la théorie et la réalité quotidienne, Ce qui n’est pas la moindre des choses.
Nous verrons que beaucoup de détails très variés prennent place dans le cadre de cette théorie. Mais il conviendra tout de même de situer plusieurs insuffisances - voire erreurs - de la théorie afin de relativiser l’efficacité de cette théorie qui reste très incomplète. La difficulté d’une théorie plus générale provient de la quantité phénoménale d’éléments qu’il faudrait ajuster pour que la théorie coïncide mieux avec la pratique. C’est un travail de recherche éclectique et exhaustif qui serait très intéressant, mais très long. J’ai voulu me limiter à présenter le noyau dur, la trame de base qui permet de construire un modèle plus vaste.

Réflexion philosophique.
Mais au delà de ces affinements possibles, il reste quelques problèmes de fond du modèle qui demandent à être relevé. Un certain nombre de réflexions existentielles peut se poser à l’issue d’un tel travail ; qu'elles soient d’ordre pratique ou philosophique. Un tel exposé conduit à de nombreuses remarques et interrogations. Je vais livrer celles qui m’ont le plus intriguées.

Entrons un petit peu plus en avant dans le sujet.

Essai d’un aperçu des états de conscience 
Le chapitre qui s’ouvre ici est particulièrement soporiphique. Il est de peu d’intérêt. Mon objectif est de recréer les conditions qui m’ont fait apparaître le modèle. Je propose à tous ceux qui n’ont pas de temps à perdre de passer ce chapitre. Ceux au contraire qui n’ont pas peur des introductions interminables trouveront quelques avantages à poursuivre.

Etablir une liste des états de la conscience, de la pensée et de la connaissance est très loin d’être une chose facile. La pensée est si vaste qu’il y a de nombreuses façons de l’aborder et d’en classer les différents aspects. De plus, tout classement donne déjà une certaine orientation, ou certaine conception théorique de la pensée. De l’autre côté, établir une liste sans organisation, sans catégorie rend assez difficile tout travail de recherche.
Le classement choisi sera donc assez simple, il consiste à distinguer :
Ce qui entre dans la pensée de façon impromptue, sans être directement issue d’un travail mental, ce sont des stimuli extérieurs à la pensée qui agissent sur elle : on pourra appeler cela la perception.
Ce qui est interne à la pensée, ce sont les états les plus nombreux, les plus difficiles à classer et certainement les plus complexes. Les pensées dont l’origine est essentiellement interne.
Ce qui sort de la pensée. Les modes de pensées qui consistent à extérioriser un phénomène : on pourra appeler cela l’action.
De plus comme nous l’avons précisé nous nous limitons aux états de conscience primaire, c’est-à-dire aux façons de penser s’extrayant un maximum de leur contenu.
Il faut aussi relever qu’il est difficile de distinguer les états de conscience avec clarté du fait de la subjectivité qui entoure tous les phénomènes mentaux. Poser des classements arbitraires est facile à réaliser, mais trouver des critères exhaustifs permettant de faire un large tour d’horizon n’est pas simple.
En fait cela nous importe assez peu, notre intérêt consiste surtout à poser un aperçu consistant des capacités mentales primaires et non à les classer ou à en faire une liste exhaustive. Le liste que je propose est donc utile pour faire un premier et bref constat de l’activité mentale. Cette liste servira à nous donner une idée des éléments nécessaires à l’explication d‘un modèle de la pensée et de la connaissance.

La Perception
les sens
l’ouïe
L’écoute des sons variés, et l’analyse qui leur fournit un sens, une compréhension, autrement dit un décodage.
On peut citer en particulier des phénomènes d’analyse et de décodage complexes comme l’écoute du langage ou l’écoute de la musique.
On peut parler de la reconnaissance du timbre, de la mélodie, de l’harmonie, du rythme musical.
On peut parler de la reconnaissance spatiale dûe à la présence de deux oreilles.
Dans la perception de l’intensité sonore, on peut relever la gestion naturelle de son aspect logarithmique (i.e. la couverture d’une vaste échelle d’intensité).
Une étude approfondie de l’écoute serait fort longue. Citons seulement quelques phénomènes tout à fait caractéristiques de l’écoute présentant un intérêt pour l’analyse de la pensée :
des bruits habituels et répétitifs disparaissent de l’analyse (il ne sont plus entendus, ventilateur, horloge, train qui passe, brouhaha, etc…).
la compréhension et le décodage du langage commun se fait pratiquement sans analyse. Il est quasiment immédiat.
Un bruit inhabituel et isolé dans un contexte connu est tout de suite repéré. (Même dans le sommeil parfois)
La vision
La reconnaissance des formes est une capacité hautement technique du cerveau, on peut citer la reconnaissance des objets, (ou des visages), des contours, des couleurs, etc…
La vision binoculaire et stéréographique
La vision sait isoler naturellement un objet noyé dans un ensemble.
La perception meilleure au centre du champ de vision qu’à l’extérieur.
La perception en noir et blanc et la perception en couleur qui diffère en qualité.
Perception de la spatialisation, du volume, de l’orientation, etc…
La vision sait reconnaître et analyser le mouvement : attraper un objet au vol, apprécier les vitesses pour conduire une voiture.
L’aspect logarithmique dans la perception de l’intensité lumineuse.
On pourrait parler des limitations de la vision : les angles de vision horizontaux et verticaux avec une capacité de perception variable, des longueurs d’ondes perçues allant de l’infra-rouge à l’ultra-violet.
On peut songer à la richesse de la vision et du décodage visuel en pensant à la lecture, à l’observation de la télévision qui ne cesse de faire défiler des contextes différents…
Quelques indices nous sont donnés sur le fonctionnement du cerveau par les illusions d’optiques très nombreuses. On y voit le rôle très important du sens dans la perception des objets observés. On pourrait aussi évoquer de cette méthode moderne des stéréogrammes fabriqués par ordinateur qui donnent une réelle perception de relief sur un simple dessin.
Le toucher
reconnaissance de toute sorte de paramètres : l’humidité, la rugosité, la résistance, l’élasticité, la viscosité, etc…
perception des formes par le toucher (très distincte de la vue).
Perception de la douleur sous de nombreuses formes : brûlure, choc, pincement, etc…
Sensibilité logarithmique des sensations.
Interaction entre le toucher et les mouvements corporels coordonnés : l’ajustement des mouvements est extrêmement rapide.
L’odorat
Perception d’une multitude de parfums au travers de mécanismes très complexes.
Perception de l’intensité odorante.
Relativité de cette perception
Diminution de la perception par insistance.
Le goût
Perception du sucré, du salé, de l’amer et de l’acide.
Perception de l’intensité
Les saveurs sont intimement liées à l’odorat.

les perceptions physiologiques internes
On s’intéresse à toutes les formes de perception distinctes et primaires qui donnent naissance à une prise de conscience dans la pensée. Les sens sont loin d’être les seuls mécanismes qui nous informent de notre situation. Beaucoup d’autres phénomènes hors de l’analyse nous apportent des informations.
On pourrait dire que nous possédons d’autre sens que les 5 sens cités traditionnellement. Nous percevons beaucoup d’autre choses que les informations perçues par les seuls 5 sens cités précédement :
On peut parler de l’équilibre qui est un mécanisme situé dans l’oreille, (sans avoir un rapport direct avec le son). On pourrait presque le qualifier de sens à part entière car il informe notre pensée de la position de notre tête, et surtout de nos mouvements d’accelération dans toutes les directions.
Il est bon de parler des hormones, des sécretions et molécules variées qui apportent une quantité phénoménale d’informations sensitives à notre pensée (plus ou moins consciente) :
Le sentiment de besoins variés : le besoin de manger de boire, de décharger sa vessie ou son côlon,
le sentiment de faim,
le besoin de drogue pour une personne habituée.
Ce genre de besoins se manifeste par des fortes perceptions physiques dûes à divers mécanismes. Mais il faut ajouter que ces besoins peuvent aussi apparaître par des phénomènes psychologiques internes.
On peut aussi parler de toutes ses impressions de dérèglement physique : le coup de pompe ou simplement la fatigue, le tonus voire l’exitation, les douleurs internes , le manque de souffle, l’oppression, etc… Beaucoup de sensations de cette nature apparaissent dans des sensations physiques et sont dûes à des causes naturelles ou psychologiques.
On pourrait aussi parler de tout ce qui entre dans l’organisme et agit sur celui-ci : la nourriture et l’air, mais aussi toute les bactéries, virus, molécules qui les accompagnent. Les rayons du soleil à travers la peau ou certaines mollecules qui passe par les pores de la peau, la chaleur, etc... Si l’on compte tout ce qui entre dans l’être humain, la liste est assez longue et ces choses agissent sur l’organisme de façon très sensitive au travers de mécanismes plus ou moins distincts de ceux que nous avons déjà cités (exemple : la fièvre du à une infection, la transformation de la provitamine D en vitamine D par le soleil, etc…)
La perception et l’évaluation du temps qui passe sont-elle dûes à une organisation naturelle de la pensée issue de phénomènes naturels ou/et dûes aux rythmes intérieurs (cardiaque, respiratoire, nerveux, …) et des rythmes extérieurs (habitude du temps que mettent les objets pour leurs mouvements habituels, jour-nuit, année, …) ou/et alors le résultat d’un centre interne régulateur du temps. C’est à confirmer mais on a déjà évoqué l’existence d’un centre physiologique fonctionnant comme une horloge interne, rentrant peut-être en compte dans la perception du temps.
On pourrait sans doute ajouter encore bien d’autres phénomènes physiques qui apportent des informations à la pensée. Et nous avons fait le tour des perceptions extérieures qui viennent jusqu'à la pensée par l’intermédiaire du corps.
L’interaction entre la pensée et les perceptions issues du corps est très présente. L’influence de la perception peut radicalement donner un sens au signal perçu. Nous avons parler de cette interaction assez forte dans le cadre des perceptions physiologiques internes. Mais beaucoup d’expériences montrent que l’interaction existe aussi dans le cadre des sens classiques notamment pour les sens les plus actifs (la vision, le toucher et l’ouïe). On peut citer l’existence fréquente de fausses perceptions tout à fait explicables qui sont dûes à une interaction avec la pensée inconsciente. Pour ne citer que les illusions d’optiques, l’exemple est suffisamment convainquant.
Les sens ne sont donc pas un moyen de perception absolument fiable.

L’action
Par action, on entend tout ce que la pensée donne comme ordre plus ou moins conscient au corps suite à une analyse, elle-même plus ou moins consciente.
les mouvements
Dans mouvement, on classe ici toute les manifestations musculaires.
Les actes réflexes : On sait que les muscles agissent parfois de façons réflexe, sans avoir reçu aucune initiative consciente. C’est le mouvement bien connu du tibia lorsque le maillet du docteur le frappe à la base du genou. C’est aussi le tremblement des muscles (local engendré par un état de tension ou général engendré par le froid), le hoquet, les tics…
Les actes quasi-reflexes : ce sont des mouvements qui n’ont pas besoin de la prise de conscience pour être réalisés. Des actes qui se font de façon entièrement naturelle , mais qui peuvent tout de même être contrôlés plus ou moins par la conscience : éternuer, bâiller, retirer sa main lors d’une brûlure ou d’une douleur, se gratter, le mouvement des paupières (par l’approche inquiétante d’un objet vers l’œil ou par son battement régulier), etc.
Les actes intentionnels : ils ne sont pas forcément conscients, mais ils correspondent à l’accomplissement d’un objectif de la pensée. C’est marcher, saisir, se laver, manger, … On notera bien qu’ils ne sont souvent pas conscients, mais qu’ils sont issus d’un acte intentionnel (ou éventuellement suscité par un contexte)
Les actes en apprentissage : De nombreux actes de la vie requierent un apprentissage important, car ces mouvements demandent une grande précision dans leur déroulement. Leur difficulté les rend souvent impraticables d’un premier abord, l’acte en apprentissage est donc un acte qui hésite, qui échoue, qui n’obtempère pas immédiatement à la volonté. L’apprentissage est nécessaire pour obtenir la fluidité et l’aisance. On pourrait citer dans l’enfance : Saisir un objet, la marche, attraper un objet en vol. Pour les adultes : l’adresse très variée dans toutes sortes de techniques et usages : les jeux de balles, la pratique des jeux vidéos, l’appprentissage d’un instrument de musique, etc…
l’acte élaboré : l’acte élaboré est l’aboutissement de l’acte d’apprentissage, il se pratique avec peu d’attention, car l’apprentissage l’a rendu plus ou moins automatique.
L’acte calculé : C’est l’acte qui est le plus conscient, celui qui s’effectue correctement comme un acte intentionnel mais qui est inhabituel. Il a besoin d’une certaine réflexion pour être accompli. On pourrait le classer dans l’acte en apprentissage lorsque l’apprentissage est assez facile à la différence qu’il n’y a pas volonté de parvenir à un automatisme : on peut citer de nombreux bricolages, de nombreuses pratiques dans le sport, toutes sortes de mouvements un peu particuliers et non répétitifs qui doivent s’adapter à une situation qui est sans cesse différente (faire la vaisselle, marcher en montagne, faire la cuisine, le ménage, etc ). Et aussi : bouger le bras maintenant si je le décide.
Cette façon de découper les mouvements n’est pas naturelle, car il existe une graduation sans rupture entre ces différents mouvements. L’objectif de ce cloisonnement était de constater une grande variété de l’usage musculaire. Car notre intérêt se porte sur le rôle de la pensée dans les actes.
les paroles, le langage :
Si la parole correspond tout simplement à la coordination de certains muscles sous forme d’automatismes bien coordonnés, c’est aussi le moyen le plus efficace de communiquer sa pensée. C’est donc davantage la pensée des mots que l’articulation qui nous intéresse ici. Cette fonction est si essentielle à l’homme qu’il convient de la citer de façon à part entière.
L’acquisition : s’intéresser à l’acquisition de la parole chez l’enfant est très intéressant et très riche pour la compréhension des états de conscience, nous ne citerons qu’un ou deux exemples d’instruction : on peut voir par exemple que certains enfants privilégient le sens. Ils disent peu de mots, mais ces mots semblent posséder pour eux une signification assez claire (ou d’autres une réelle interrogation) alors que d’autres enfants engagent beaucoup plus la répétition sonore des mots. Ils disent beaucoup de mots qu’ils répètent sans en connaître bien le sens. La parole s’acquière tôt. De façon apparente, entre 1 et 3 ans. L’évolution est très nette : d’un babil ou de quelques mots l’enfant acquiert un langage pouvant entretenir un dialogue très élaboré.
Expression de la pensée : la parole est le lien le plus direct entre ce qu’il y a dans notre pensée et sa communication à l’autre. Il semble qu’on ne pense pas toujours avec des mots, mais tout ce qu’on veut exprimer est traduit en mot. Le langage est un esclavage presque incontournable (A l’exception du mouvement qui laisse tout de même un champs d’action important pour la communication, pensons par exemple à l’expression du visage). L’usage des mots est si important qu’il donne presque l’impression que la pensée est faite de mots. Ainsi le langage exerce une action primordiale au côté de la pensée. Maintenant, il n’est pas très difficile de voir que la pensée est plus vaste que le langage.
Fonctionnement automatique : La parole coule naturellement au rythme de la pensée sans aucun effort de fabrication grammaticale, syntaxique (pour les habitués d’une langue). Les pensées fort complexes jaillissent en flot au rythme de l’enchaînement des pensées. Si l’on est attentif à ce qui se passe dans nos pensées lors d’un discours par exemple, on s’aperçoit que la pensée ne fonctionne pourtant pas en direct avec le dialogue. Pendant que les mots défilent, la pensée réfléchit, anticipe, calcule, raisonne à ce qu’elle va dire, elle est en avance sur le langage. Quand on s’analyse, il est assez surprenant de constater que tout en parlant, on réfléchit à ce que l’on va dire. Tout ce passe si naturellement que l’on peut parler pendant des heures sans s’arrêter… Ce fonctionnement si fluide est naturel et instructif sur le fonctionnement de la parole et de la pensée.
On peut aussi ajouter que la parole agit par interaction sur la pensée : les mots qui jaillissent pour traduire une pensée donnent une sens restrictif à la pensée, mais aussi génèrent de nouvelles pensées. Ainsi la parole est un curieux mélange d’action-réaction qui influe la pensée. La pensée fonctionne différement qaund elle suit son cours sans avoir à se soumettre au mot. A la parole, il faudrait aussi ajouter toutes les perceptions et analyses qui influent sur la pensée de façon simultanée (La perception de l’interlocuteur, le contexte extérieur, …).
L’art de la parole: la parole est non seulement l’expression de la pensée, mais elle est aussi parfois un mode de création. Les mots peuvent servir à atteindre un but créateur plus élevé que les mots ou qu’une idée à véhiculer. Par le principe d’action-réaction que nous avons décrit, les mots peuvent jaillir sans être en retard sur la pensée, de façon encore plus mystérieuse qu’à l’accoutumé pour atteindre ce but. C’est l’art de la littérature. Parfois, c’est aussi le discours improvisé sous émotion contrôlée (le poête qui compose, l’avocat, l’embobineur, l’orateur qui se laisse porté par ses mots, l’homme politique qui pèse tous ses mots etc…). C’est le cas lorsque les mots eux-mêmes prennent une importance dans le discours au-delà du simple véhicule d’une idée. Dans le cas général, la parole est l’expression directe et spontanée de la pensée pour communiquer une idée, dans ce cas les mots ne sont pas au cœur de la pensée, ils jaillissent spontanément. Mais dans le cas particulier que nous évoquons, il arrive que le mots soit au cœur de la pensée et que l’expression suive un processus complexe qui cherche autant à modeler les mots que l’idée.
Parole réflexe : bien que la parole soit l’expression de la pensée, elle peut être aussi un mécanisme au même titre qu’un acte quasi réflexe. Il arrive à nos paroles d’être prononcées inconsciemment, par réflexe. C’est le cas de personnes répondant régulièrement les mêmes mots dans des contexte spécifique, mais c’est aussi le cas de personnes dont la pensée est accaparée par autre chose. Tout un dialogue réflexe (assez limité en général) peut être possible.
On peut aussi citer que certaines personnes parlent en dormant. Cela peut donner une idée de l’état de conscience existant dans le sommeil.

Action involontaire sur le corps
Si les sens - au nombre de 5 - pourraient être élargis au sens interne du corps, il en est de même pour l’action. Les périphériques de sortie classiques que sont les muscles. Il existe aussi beaucoup d’autres actions produites par le corps plus ou moins consciemment :
les actions hormonales, chimiques et nerveuses sont très fréquentes : dans certaines situations la pensée conduit à la fabrication glandulaire d’hormones ou d’action nerveuse. C’est par exemple la fabrication d’adrénaline après que la pensée ait pris conscience d’un danger imminent. C’est le cœur qui accélère, les rougeurs qui montent au visage, l’angoisse dûe à la peur, l’érection masculine associéz au désir sexuel, le tremblement nerveux du à l’émotion, etc…
Si l’on compte tous ce qui sort de l’être humain, la liste serait assez longue : dans tous les domaines des sens – Par les 7 orifices humains, il peut sortir des sécretions, sans compter tout les produits qui sortent des ports de la peau, la peau usée elle-même, la chaleur ou même les protéines qui se construisent en sortant de la peau (cheveu, poils, ongles). Les bruit variés, autre que la voix (gastrique…). Ces actions ne sont pas menées par la pensée directement, mais pour certaines elles peuvent y être liées : la production interne de chaleur, les cheveux (blancs), l’émotion qui donne envie d’aller au toilette, la sudation, le bâillement etc.

Etats mentaux internes
Il nous reste à voir les états de conscience internes. Les états qui ne sont ni une perception extérieure qui vient à la pensée, ni un ordre d’action extérieur donné par la pensée ou issue directement de la pensée. On s’intéresse aux états de conscience primaires qui prennent naissance dans la pensée et qui se manifestent dans la pensée. (Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas une origine extérieure plus loitaine, ni que la pensée ne se manifeste pas par une action extérieure ultérieure). L’objectif est de sonder ce qui se passe dans la pensée.

Les pensées non-maitrisée (passivité)
Les flashs, images mentales inopinnées.
la mémoire qui apparaît parfois dans la continuité de la pensée sans prévenir.
les agressions mentales, les stress qui apparaissent sans action volontaire.
L’altération d’une perception extérieure par des mécanismes internes de sorte que la perception interne est manifestement transformée par rapport à la perception sensorielle.
L’impression d’une perception extérieure alors qu’elle n’est qu’une construction mentale.
Les moments où apparaît une impression de vide mental.
la soudaineté de certains sentiments : le trouble, la peur,…
l’aspect saltatoire et incontrôlé de la pensée : le passage du coq à l’âne des sujets qui animent la pensée.
La perte du « sang froid » qui conduit à l’emballement des émotions.
L’association d’idées qui germent soudainement dans un contexte particulier.
Les émotions incontrôlées très variées : qui provoquent ou non différentes manifestations physiologiques (tremblement, cœur qui bat fort, incontinence…) ; issues de toutes sortes de contextes comme l’amour, un discours considéré comme important, l’intérêt mental dû à un dada ou au trac, l’amour propre, …

Attributions mentales.
en-dehors des pensées, on cherche ici à relever certains pôles généraux de l’action mentale. On cherche à constater des caractéristiques générales de la pensée :
Le sens des choses : un des aspects le plus surprenant et le plus fondamental de la pensée est qu’elle perçoit le sens des objets qu’elle voit. Elle donne un sens, une compréhension à ce qui est perçu.
La présence d’un inconscient : il semble assez manifeste qu’il existe en nous des choses qui agissent indéniablement sur notre pensée sans que nous en soyons conscient. On pourrait citer les expériences subliminales par exemple. Mais aussi toutes ces choses que l’on constate en nous avec surprise : mécanisme de phobie, prétraitement des informations inconscientes, etc…
La conscience de soi : la pensée n’a pas seulement les objets extérieurs comme sujet de pensée : nous-mêmes sommes un sujet fréquent de notre pensée.
le rêve : le rêve est une particularité surprenante de la pensée. Il est d’une certaine façon inconscient et pourtant parfois si réel, si curieux, si extraordinaire dans les sujets qu’il véhicule.
la conscience de penser : notre pensée ne consiste pas seulement à manipuler des objets ou penser à nous-même. La pensée est aussi capable de réfléchir son propre cours. L’homme peut s’observer penser : il constate qu’il pense. La pensée peut soudainement devenir l’objet d’une nouvelle pensée. La pensée réflexive. Curieux phénomène qui fait du conteneur le contenu.
La mémoire qui retient et rend accessible plus ou moins facilement, plus ou moins longtemps toutes sortes d’informations du passé.
On pourrait aussi parler de tout ces facultés particulières et parfois surprenantes de la pensée découvertes en certaines occasions : Le « déroulement du film de la vie » dans un contexte traumatique imminent. Et de façon plus générale la variabilité de la vitesse de la pensée et de l’accès à la mémoire. On pourrait ajouter toutes sortes d’expériences curieuses ou de manifestations curieuses de la pensée (l’impression de « déjà vécu », le trou de mémoire, etc)

Attitude psychologie complexe
Il serait difficile d’établir les états de la pensée intérieure sans produire une liste de toutes ces attitudes de la pensée dont les qualificatifs et les nuances sont innombrables dans le langage. Toute ces attitudes et caractéristiques fort complexes qui tout en étant particulièrement réelles sont très subjectives et difficiles à définir. Ici encore moins qu’ailleurs, nous ne dresserons pas de liste exhaustive, mais une petite liste qui donnera un aperçu de l’aspect psychologique de la pensée humaine. Voici donc désignées quelques attitudes psychologiques de haut niveau.
Les attitudes globales, structurales :
Le caractère,
Les principes,
Les habitudes,
Le moral,
La morale
La réflexion sur soi.
La perception d’autrui
Les normes

Les attitudes locales, momentanées :
L’idéalisation
La détermination
Le sentiment du bien, du mal
La prudence, la mesure
Les barrières réflexes culturelles
La timidité
La conviction
La sentiment de liberté, de force, de facilité, etc…
La détente
La responsabilité
La défiance

Les impressions mentales (en vrac et sans prétention) :
Le désir
Le sentiment de besoin (d’une chose en général, habitude psychique, la faim, la soif, les toilettes, etc…)
L’inhibition par sentiment de mal faire
La culpabilité
La valorisation
L’hésitation
La surprise
L’agréable et le désagréable.
L’impression qu’une information de la mémoire est « sur le bout de la langue ».
Le trouble.
La colère
Le flou, la vague.
Le vide.
L’impression de forcer des barrières intérieures
Le decrochage mental devant la complexité
Le malaise : devant un monde où tout est différent, où l’on ne comprend rien.
L’envie de rire
La jouissance
L’indifférence
Le vide
Les pleurs
La souffrance
le dynamisme
L’apathie
L’envie de paresse.
L’extase.
La peur
L’impatience
Le malaise
l’émotion soudaine
La tristesse
La joie
La honte
La paix
L’anxiété
L’amertume

L’action mentale :
La pensée n’est pas seulement un constat d’impression. C’est aussi la possibilité d’une action. Une action mentale est le pouvoir de piloter sa pensée dans des activités et des directions variées. En voici quelques-unes :
L’ordre mental qui consiste à décider de s’engager dans une ordre à exécuter immédiatement. Dans une action physique ou mentale.
Une autre activité mentale consiste à se fixer, à se donner un projet mental (la résolution d’une question, un type d’observation particulier, la recherche d’une attitude, etc…). C’est un ordre qui se projette dans la durée.
Il est curieux de voir comme l’activité mentale peut tourner sur elle même. Se fixer des objectifs à elle-même. De sorte que l’activité mentale peut à la fois percevoir des impressions purement mentales (les entrées), réfléchir et utiliser ces perceptions (mécanisme interne) puis donner des ordres d’activités mentales (Les sorties). Autrement dit l’activité mental est à elle seule un organisme entier.
La réflexion sur soi peut être décidée de façon active.
La méditation de façon générale est contrôlé par un mécanisme mental qui peut ou non être volontaire.
Le raisonnement, sans pouvoir le définir très précisément ici, apparaît comme une des activités primordiales de la pensée active. Il consiste à fouiller au fond de soi pour trouver des réponses.
L’association d’idées : si elle est parfois involontaire soudaine, elle peut aussi être cultivée et active.
Les idées : la recherche d’une pensée adaptée à un contexte est une activité fréquente de la pensée active.
La planification : elle est un principe fondamental de la pensée : la décomposition d’une tâche en tâche successive et ordonnée pour parvenir à un but. Il ne faut voir ici la seule planification d’un vaste projet, mais la planification d’un trajet ou de n’importe quelle tâche quelconque. Par exemple ; l’idée de se rendre au travail qui engendre une multitude de tâches successives et hiérarchiquement décomposées pour y parvenir.
L’observation en général : au-delà de la simple perception passive, l’activité mentale peut se livrer à une recherche approfondie à l’interieur d’un ensemble de perceptions. Il s’agit de découvrir un type d’information particulier ou de classer des informations perçues pour leur mémorisation ou leur analyse.
L’apprentissage : c’est une activité mentale de base, elle consiste à apprendre par assimilation progressive une information, une conceptualisation ou une pratique complexe. Si l’apprentissage est souvent lié à la perception, il peut aussi être une activité essentiellement mentale : chercher en soi, dans une pratique interne le chemin qui mène à une acquisition (musicale, intellectuelle,…).
La mémorisation : elle consiste à essayer de fixer pour rendre accessible dans un temps ultérieur toutes sortes d’informations. On est tous conscient qu’il existe plusieurs mécanismes de mémorisation ayant une portée pus ou moins longue d’efficacité. Il est intéressant de voir que l’on peut maîtriser dans une certaine mesure cette capacité de retenir les choses de façon active dans une perspective temporelle désignée.
La réflexion : cette activité est très vaste et regroupe beaucoup d’autre activités (méditation, raisonnement, synthèse,…) C’est un terme général qui présente malgré tout l’intérêt de regrouper une diversité d’actions sous une certaine unité qui consiste à utiliser toutes sortes de mécanismes mentaux pour parvenir à un objectif (qui n’est pas toujours très clairement défini).
Recherche des souvenirs : cette activité parfois très intense, parfois très superficielle, qui consiste à chercher un élément du passé est une activité très fréquente de la pensée.
Réflexion par mixage des données pour trouver une solution : cette capacité de mettre en œuvre toutes sortes d’activités très variées de la pensée (mémoire, raisonnement, association d’idée, etc..) pour parvenir à élucider un problème est une capacité fort intéressante de la pensée.
Recherche d’ordre : il est fréquent que la recherche mentale porte sur l’ordre d’un objet par rapport à d’autre : position temporelle, position dans une liste, etc… (Cette activité n’est pas clairement une activité de base, elle peut facilement être interprétée comme un cas particulier d‘autres activités.)
Décisions réflexes : il est fréquent qu’un ordre donné habituellement par la volonté soit donné en d’autres circonstances par automatisme, par principe acquis. C’est pourquoi il n’est pas forcément facile de distinguer l’acte automatique de l’acte volontaire. Bien des décisions volontaires sont en effet des actes réflexes. C’est l’usage général que la volonté donne un objectif et que la décomposition des tâches pour y parvenir soit automatique.
On pourrait parler aussi des processus de réaction conscient et plus ou moins volontaire que la pensée contient. Par exemple la réaction à toutes sortes de stimuli purement internes.
La réaction à un souvenir : il est fréquent d’adopter une réaction mentale face à des souvenirs qui jaillissent.
La réaction à un ordre mental : il n’est pas rare qu’un ordre (réflexe ou non, conscient ou non) donne lieu à une contre réaction consciente.
La réaction à un principe : l’homme développe en lui des concepts qui lui apparaissent comme sensibles ; ultime construction synthétique d’un processus contradictoire. Il n’est pas rare que la sollicitation mentale de ces principes provoque de vives réactions conscientes (et à moitié réflexes).
Nous avons parlé de la réaction face à un processus interne, mais de façon plus générale, le principe de réaction est un principe important de l’activité mentale, que la sollicitation soit interne ou externe.
Pour ne citer qu’un cas particulier : c’est la réaction d’urgence face un événement. Dans beaucoup de situations, il n’est pas rare que la réaction soit quasi réflexe, mais il arrive aussi des situations où la réaction est perçue comme une nécessité alors que la démarche de réaction n’est pas élaborée. C’est une situation un peu paradoxale : il faut agir vite sans savoir comment faire. Cette sollicitation mentale montre l’existence de différents étages dans la pensée, de différents acteurs.
Il n’est pas rare que la pensée « se construise un film ». C’est quasiment un rêve tout éveillé. De tel processus relève d’une action consciente mitigée sans être forcément absente. C’est là encore une curisosité de la pensée.
L’inspiration : qui consiste à rechercher dans on ne sait quelle partie de nous-même une attitude mentale propre à recevoir. C’est en général une disposition volontaire de l’attitude mentale. Il n’est pas rare que l’inspiration ne vienne pas ou qu’elle vienne utérieurement alors qu’on ne l’attend plus. Il s’agit ici de désigner l’attitude volontaire d’attente face à soi même (ou face aux muses…) dans tous les aspect créatifs que la vie peut offrir.
L’action de création : qui suit l’inspiration. Elle consiste à mettre en œuvre cette inspiration dans une disposition d’esprit toute particulière. Il n’est pas rare qu’il soit difficile de dissocier l’inspiration de la création, car fréquemment les deux se fécondent mutuellement. (Comme le langage féconde la pensée et réciproquement, la mise en œuvre féconde l’inspiration et vice versa)
La pratique de l’art de façon générale fait appel à des activité mentale un peu particulière : la lecture de l’art comme la création artistique sont des attitudes mentales plus ou moins spécifiques d’une recherche esthétique, par exemple une recherche intuitive.
L’aspect curieux du déclenchement par mémorisation. Par exemple : on pense à la porte de sortie de sa maison en la visualisant mentalement pour pouvoir nous rappeller de fermer le gaz en sortant. Et effectivement lorsqu’on sort par cette porte, il nous revient automatique la pensée de fermer le gaz. Cette pratique occasionnelle et sucitant des efforts importants chez certains, semble être un véritable mécanisme quasiment inconscient chez d’autres.
Il est intéressant de constater que l’on peut forcer son esprit à réfléchir sur une chose bien déterminnée. Nous possédons une certaine liberté dans le choix du contenu de nos pensées et surtout un pouvoir de direction de la pensée sur elle-même.
De même il est aussi possible dans une certaine mesure de refuser à son esprit de s’attarder à un sujet précis. On possède ainsi un contrôle assez large sur nos pensées. Ce type de réflexion est très intéressant dans le sens où il laisse entrevoir la complexité de la pensée : la pensée elle-même dirige la pensée. Ces action en couches multiples donnent l’impression de plusieurs acteurs à la pensée.
Une autre faculté surprenante de la pensée active est l’auto-persuasion : la pensée peut décider de s’entretenir de la validité et de la pérennité d’une pensée. Pour nous étendre sur ce sujet, il nous faudrait détailler ce qu’est la persuasion, la croyance et la volonté. Mais sans entrer maintenant dans ces considérations, il est intéressant de constater à nouveau l’action de la pensée sur elle même.
On peut constater aussi un autre principe de la pensée : la graduation des forces dans l’action mentale. Il existe plusieurs intensités de réflexion et de prise de décision mentale. On constate qu’un ordre mental est donné avec plus ou moins de virulence, de force ou de superficialité. Une remarque intéressante est la capacité de la pensée à influer sur cette force d’action. La pensée peut s’auto-motiver, s’auto-inhiber ; dans une certaine mesure.

Constat de fonctionnement
Voyons maintenant les fonctionnements de la pensée qui existent dans toutes sortes de situations indépendamment de l’origine d’une pensée. Ce sont des principes généraux de fonctionnement. Ce sont aussi quelques remarques qui nous semblent être des éléments particulièrement importants pour l’élaboration de notre modèle.
Nous avons parlé de l’apprentissage comme une fonction de la pensée interne active. Mais de façon plus vaste, l’apprentissage est un processus très général de la pensée qui fait intervenir tous les types d’informations (entrant, sortant et interne). Il est probable que la notion d’apprentissage soit une notion complexe fondée sur des concepts éloignés de l’idée standard d’apprentissage. On peut penser au nouveau né qui apprend sans « chercher » à apprendre, dans ce cas l’apprentissage est un mécanisme naturel. Il semble clair que la notion d’apprentissage est une notion clef dans la théorie de la connaissance, non seulement dans les mécanismes d’acquisition pratique, mais aussi et surtout dans les mécanismes mentaux et dans la liaison de ces mécanismes avec le corps.
Un autre principe général important est la façon dont les actes habituels deviennent inconscients : que ce soit le mouvement, la parole (parler est un acte inconscient, mais il arrive chez certains que le contenu lui-même le devienne), l’apprentissage même peut devenir un acte inconscient.
La gestion des conflits : l’homme doit résoudre en permanence des conflits pratiquement inconscients et d’autres parfois très conscients. Dans une activité manuelle, ayant besoin d’un objet, si celui-ci n’est pas sous sa main il devra interrompre son activité et se déplacer pour le chercher. L’activité actuelle est momentanément incompatible avec le besoin de l’objet, il faut donc résoudre ce conflits par une nouvelle idée, une interruption est nécessaire. Ce type de conflit est permanent dans la pensée. A une échelle plus consciente, lorsqu’il s’agit de faire un choix entre deux décisions possibles, la gestion du conflit est un acte essentiel. La théorie de la connaissance devra intégrer ce mécanisme omni-présent qui gère des idées très variées et doit faire des choix en permanence.
La mémoire : le fait que la pensée contienne la mémoire comme une banque d‘accès permanente est une caractéristique fondamentale de la pensée à prendre en compte dans le modèle. Cette mémoire et particulièrement son fonctionnement sont très riches d’information sur le fonctionnement interne.
Les contextes : il est impressionnant de voir l’influence des contextes sur la pensée. Ce sont les contextes extérieurs qui conduisent à toutes sortes d’actes ou de pensées. Leur influence donne un sens très différents a une même stimulation. Les choix aussi sont très différents selon les contextes en jeu, notamment les choix inconscients. Il existe les contextes extérieurs, mais aussi les contextes internes : l’activation mentale récente d’un sujet de discussion ou d'une pensée créent facilement des liens avec le sujet qui suit même s’il n’a que peu rapport. De façon générale, on peut voir que les contextes sont primordiaux à la compréhension de la perception, on le perçoit bien dans le langage. Le contexte influence profondément et radicalement le sens des mots.
Toutes sortes d‘exemples de dispositions mentales qui sont autant de principes donnant des renseignements intéressants à intégrer dans le modèle.
On est souvent prompt au réveil par rapport à ce qui a été préparé mentalement la veille.
Certains sont facilement « vaseux » au réveil, il existe parfois une difficulté à se situer, (lieu heure, contexte, attente…)
Ce constat que notre corps, notre pensée poursuit de façon automatique un plan qui lui a été donné. Qui n’a pas été surpris de répéter une tâche machinalement. Ce principe qui nous surprend lorsqu’il est déplacé est un mécanisme des plus naturels et des plus permanents de l’activité humaine. Qui pense à ses mouvements quand il va chercher son courrier.

la conscience est un des principes fondamentaux dont le modèle devra aussi rendre compte Voici quelques caractères tout à fait spécifiques de la conscience:
elle est comme une sorte de fil qui se déroule en permanence parfois de façon suivie (une scène) parfois de façon discontinue (changement de scène : de sujet de pensée)
La conscience est conscience d’une chose à la fois et successivement.
Il y a plusieurs intensités de conscience (hormis le sommeil, il existe des lucidités très graduelles dans la perception des choses, bien que cette lucidité ne soit pas forcément quantifiable, on perçoit tous différents degrés dans la lucidité.) Par exemple il y a des moments de vide ou le cerveau tourne sans que nous soyons vraiment au commande. Et parfois elle est d’une intensité surprenante.
La conscience peut sortir complément de soi : la conscience peut s’oublier en ne pensant qu’à l’objet de sa pensée. (Lors de l’apprentissage d’une tâche absorbante, il arrive aussi que l’on se projette dans une réalité extérieure : on se met dans la peau d’un autre en regardant un film)
Etc
Le modèle doit intégrer aussi la variablité des capacités :
Etre intelligent ou simplet
Vif d’esprit ou lent.

La capacité du dialogue est un des principes immensément complexe dont la théorie devra aussi rendre compte.
- …

Introduction à la théorie par la méthode chronologique
Pour avancer dans la compréhension de la pensée, il faut trouver des pôles primaires de fonctionnement, puis décomposer l’ensemble du fonctionnement de la pensée à partir de ces pôles en une structure qui apparaisse non seulement cohérente dans son ensemble mais aussi vraissemblable et même réaliste. La plus grande difficulté rencontrée consiste donc à trouver les pôles primaires qui sont à la base du mécanisme de la pensée (en admettant l’hypothèse de la réductibilité mécanique).
Les différents points de départ conduisent à des modèles très divergents qui sont parfois difficiles à concilier. Si l’on cherche à l’intérieur de la pensée, les concepts de bases seront orientés pour donner du sens à la psychologie de haut-niveau. Dans ce cas on est confronté à la subjectivité des choix : comment sélectionner parmi les phénomènes de la pensée ceux qui sont fondamentaux et ceux qui sont construits ? C’est pourquoi j’ai préféré éviter cet écueil, au lieu de choisir les bases de la pensée dans les mécanismes psychologiques, je les ai cherché dans les mécanismes de perception et d’analyse… s’ils existent.
Un point de départ de ma proposition consiste à comprendre la structure de la pensée par l’analyse dans son mode d’acquisition chronologique. Il ne s’agit pas d’une étude exhaustive de l’acquisition de l’intelligence. Il s’agit de tirer des indices, des enseignements et une démarche qui conduisent à l’acquisition de la pensée.
L’intelligence et la pensée semblent beaucoup moins élaborées et donc beaucoup moins complexes à la naissance qu’à l’âge adulte. On possède ainsi un moyen non artificiel et non contestable d’aborder la pensée par des principes primaires. Mais prendre la question de la pensée dans la perspective chronologique ne rend pas son accès beaucoup plus simple. En particulier parce qu’il est difficile de connaître les pensées d’un enfant, notamment en bas âge. On est face à un dilemme inextricable : la pensée ne semble accesible que par la communication qui elle, n’est accessible que par l’apprentisage, et donc la construction de la complexité.
Il existe malgré tout quelques enseignements assez limpides. Par exemple, le constat d’une marche complexifiante de la pensée. C’est probablement l’une des remarques fondamentales de la construction de mon modèle de l’intelligence et de la pensée. Sous l’hypothèse d’une pensée entièrement matérialiste, le fonctionnement de la pensée reposerait sur une organisation naturelle de ce bagage matériel par un fonctionnement explicite qu’il reste à déterminer.
Nous allons maintenant énoncer sommairement un certain nombre de constats sur cette marche de l’acquisition chronologique de l’intelligence.

L’apparition de la conscience, de la pensée, de la perception
Il est difficile de dire à partir de quel moment l’embryon perçoit ses premières impressions, car on ne sait pas ce que signifie ‘impression’ pour un embroyon.
On peut dire assez facilement qu’à partir de tel moment tel organe est constitué ou qu’un influx nerveux existe. Mais dire que cet organe produit une impression, commenter de quelle nature, est autrement difficile.
Ce genre de question se traite en parallèle avec d’autres questions comme : les cellules sont-elle douées d’une perception ? Eventuellement même : De façon générale, qu’est-ce que la perception animale ? On peut penser que la perception débute lorsque le cerveau et les organes sont constitués et reliés. Mais cela reste à vérifier. On ne travaille que sur des hypothèses, et aux frontières d’une notion très subjective.
En fait la question qui nous intéresse est prioritairement: à quelle moment la perception devient-elle consciente  ? Pour pouvoir y répondre il faudrait préciser ce qu’on entend par « consciente ». On imagine facilement que la conscience fœtale est assez éloignée de la conscience adulte. Mais le mot « conscience » est à prendre au sens le plus large qui soit. Existe-t-il un soupçon de conscience chez le fœtus ?
Pour avancer dans le discours on peut d’ors et déjà poser le jalon suivant : l’enfant perçoit beaucoup d’éléments sensibles dès le ventre de sa mère. De nombreuses expériences montrent les réactions de l’enfant aux bruits et au toucher. S’il y a réaction, c’est qu’il y a perception, voilà un fait posé. Mais il ne faut pas négliger non plus le fait qu’il peut y avoir perception sans réaction.
Une des interrogations les plus importantes pour notre instruction porte sur la nature de la conscience de l’enfant inutéro. Au regard de l’évolution entre le premier jour et le 9ème mois, il paraît plutôt clair que cette conscience change. L’apparition des réactions en est le témoin. Le débat se pose en ces termes :
Il semble assez naturel de s’intéresser en premier lieu à la perception car c’est l’élément de la conscience le plus matérialisé et donc le pus facile à étudier.
Peut-on parler d’une certaine conscience chez l’enfant inutéro ? Autrement dit, existe-t-il déjà « l’impression de ressentir quelque chose » ? Ou alors cette impression est seulement un mécanisme électrique et chimique qui n’a aucune résonance dans la personnalité de l’enfant, qui reste à définir.
La même question formulée un peu autrement : Peut-on penser que les stimuli extérieurs perçus par les sens en pleine formation sont réellement perçues dès le premier transfert d’information ou alors faut-il penser que la perception de l’embryon ne prend naissance qu'à partir d'expériences répétées et structurées face aux stimuli ?
Encore formulée autrement : quand l’enfant commence-t-il à percevoir la vie et ce qui l’entoure ? Est-ce que le mécanisme possède un origine bien définie ou alors la conscience est un phénomène continu qui évolue sans discontinuité de l’inconscient vers la conscience adulte ? Une certaine continuité dans l’évolution est évidente, mais la question se précise de la sorte : la conscience apparaît-elle lors d’une constitution physiologique précise ou lors d’un processus physico-chimique bien défini, ou alors est-elle un apprentissage par compréhension progressive des stimuli et des mécanismes internes ? Dans les deux cas la question de la conscience se pose très nettement :
Dans le premier cas : quels sont ces objets physiologiques qui permettent l’activation de la conscience ?
Dans le deuxième : quels sont les étapes de la conscience ? et comment l’inerte arrive-t-il à penser ?
Quand l’enfant perçoit, sa conscience est-elle identitaire (consciente d'elle-même quelque part) ? Existe-t-elle réellement en propre ? A ce stade toute perception, réaction sont-elles uniquement électriques, physiques et chimiques. Mais dans ce cas, quand est-ce que la conscience identitaire apparaît (‘identitaire’ n’est pas à comprendre comme ‘conscience de soi’ qui viendra plus tard, mais comme conscience centrée qui perçoit, qui ressent, c’est à dire comme lieu de vie interne). On peut fixer comme limite finale la conscience d’adulte qui a conscience de ses choix ; ou encore la conscience de l’adolescent qui a conscience de sa valeur parmi le monde adulte ; ou la conscience de l’enfant qui peut gérer sa vie, les objet, se nourrir, ou encore la conscience de soi, ou encore le capacité du langage, le dialogue. Peut-être pourrait-on la fixer au premier instant mémorisé dans la jeune enfance. La mémoire pourrait-elle être posée comme jalon de la conscience, car on y accède par la conscience ? Ce serait donc un signe de son existence. Mais pas un signe nécessaire, mémoire peut signifier conscience (sous réserve), mais absence de mémoire ne peut pas signifier absence de conscience.La limite de la conscience est alors atteinte dans la capacité de réaction du bébé qui sourit et réagit à sa maman dès les premier mois de sa vie. La limite de la conscience est assez floue, mais on a parfois l’impression de ‘sentir’ qu’il existe très tôt ‘quelque chose’ chez l’enfant. Quelque chose qui vit en lui comme l’existence d’une perception centrée, analogue à notre conscience de la vie, bien qu’adulte. Mais analogue sur quel point , c’est le mystère, c’est le mystère de la vie et de la conscience. Ce senti est la projection non objective du mystère de notre vie sur la vie de l’enfant.
La conscience est-elle un phénomène unique ou l’addition de capacités : capacité de perception, capacité de réaction, capacité d’abstraction, capacité de prise en charge ? C’est le cheminement normal de l’enfant en toute apparence. Est-ce que la conscience n’est finalement que le résultats de ces capacités variées ou existe-t-il une existence, un caractère précis de la conscience ? On peut imaginer une machine qui perçoit qui répond, qui effectue des abstractions (l'intelligence artificielle), éventuellement qui s’assume en bonne partie (la cybernétique). Mais peut-on imaginer que dans ces machines, telles qu’on peut les concevoir aujourd’hui, il existe l’idée de vivre ? Ce film qui se déroule en nous, autour de nous ? La machine est faite de matière inerte, il est difficile de supposer que cette matière puisse ‘penser’. C’est seulement des activations électriques bien précises, un engrenage mécanique, une programmation complexe qui produit tous ces phénomènes, comme un automate mécanique bien complexe. On ne pensera pas de même d’un enfant : quand est-ce que cette perception identitaire prend forme ?
Nouvelle formulation : Parvenus ici dans notre raisonnement, il vient très naturellement la question de l’inné et de l’acquis. Il est clair que l’homme possède des mécanismes innés comme téter le sein, cligner des yeux, la déglution etc… La conscience est-elle un phénomène innée ou acquis ? Est-elle un phénomène complexe, résultat naturel d’une imbrication de nombreux processus physiques, ou est-elle un phénomène simple, basique de l’identité humaine ? (dans ce deuxième cas, il est clair qu’il faut voir la conscience comme un phénomène qui s’affine et se modèle avec l’expérience de la vie).
Il faut aussi poser les questions existentielles de fond : existe-t-il une conscience transcendante ? La conscience est-elle un processus physique ou le témoignage permanent d’un existence supérieure à seul aspect physique ? Il est évident que nous ne pourrons pas répondre à cette question, mais c'est une question qui a sa place ici. Existe-t-il derrière notre conscience quelque chose qui dépasse la matière ? Si cette transcendance existe, se manifeste-t-elle aussi chez le fœtus ? Autrement dit l’homme a-t-il une attribution supérieure à la matière, et cette attribution existe-t-elle chez le fœtus ? C'est une question qui n’aura probablement pas de réponse dans notre démarche, car si tel est le cas, la transcendance même de la conscience affirme qu’elle ne peut être analysé par l’approche matérielle. Dans ce cas la conscience serait aussi une sorte ‘d’inné’, mais d’une autre forme.
Il semble assez clair que si conscience il y a, elle n’est de toute façon pas aussi précise, claire et complexe que la conscience d’un adulte. On sait que la conscience de soi, qui se manifeste par une action, n’est pas très précoce chez l’enfant (l’expérience du miroir consiste à repérer chez l’enfant des gestes montrant qu’il comprend que l’image perçue n’est autre que lui-même : c’est évidemment une expérience assez réductrice de l’idée du moi, mais c’en est une). En se rappelant que notre intérêt se borne à chercher des éléments pour l’acquisition des connaissances, il peut venir des questions comme celle-ci : l’acquisition de connaissance a-t-elle besoin d’un conscience ? Il est difficile de répondre par la négative, car sans conscience au sens très large l’acquisition ressemblerait plus à un procédé mécanique bien éloigné de la connaissance humaine, mais d’un autre côté comment l’affirmer sachant que la conscience est mal définie et de plus elle n’est pas accessible. Une autre question : est-ce que cette conscience est une des bases fondamentales de la pensée, c’est-à-dire une impulsion vitale pour acquérir l’intelligence, la pensée ?
Toute ces questions présentent autant d’intérêt pour comprendre l’acquisition de la conscience chez l’enfant au sens naïf, que pour comprendre le sens réel de la conscience. L’approche chronologique semble très pertinente pour cette compréhension.
Je ne possède souvent pas même l’ébauche d’une réponse à toutes ces questions posées. Mais ces interrogation ont l’avantage de situer un point important du débat qui nous suivra longtemps dans notre recherche. C’est l’affirmation baclée par Descarte en « je pense donc je suis » qui se pose en interrogation : « pourquoi et comment 'penser' ferait-il que je suis ? ».

Partir de presque rien
Nous allons maintenant aborder un autre point fondamental. Cette remarque est un tremplin essentiel dans la construction de mon modèle. L’idée consiste à rechercher la part entre l’inné et l’acquis, non pas dans les capacités de l’individu, mais dans sa connaissance.
Il est clair, comme nous l’avons vu, qu’il existe une certaine part d’inné. Bon nombre de mécanismes physiologiques fonctionnent sans apprentissage, fort heureusement, on a pas besoin d’apprendre à son cœur à battre. Mais c’est aussi le cas de certains gestes qui ne présentent pas un caractère physiologique primaire comme : la succion, têter son pouce dès le ventre de sa mère, trouver et têter le sein de sa mère à la naissance sont des actes que l’enfant fait naturellement sans apprentissage et dont l’usage est limité à la petite enfance (là où il ressent un contact il cherche à têter.) Certains affirment par ailleurs que l’enfant reconnaîtrait sa mère à l’odeur. On pourrait parler des pleurs de l’enfant qui sont aussi une forme d’instinct primitif. Il est difficile de trouver une explication à toute ces connaissances innées indéniables, on peut sommairement appeller cela de l’instinct. L’homme, contrairement à beaucoup d’animaux, est pourvu de très peu d’instinct à sa naissance. Il ne pourrait pas assumer sa vie seul dans la nature. Les animaux sont pourvus d’instincts beaucoup plus nombreux, très variés et des plus surprenants. Nous nous intéressons ici à l’homme, mais il y aurait aussi beaucoup de questions à se poser sur la connaissance animale.
Le constat établit que malgré quelques traces, l’enfant possède relativement peu d’instinct (c’est à dire de réelles connaissances innées du monde extérieur), on peut alors se demander : « Quelles sont ses pensées dans ce vide de connaissance » ? On pourrait imaginer que l’enfant possède tout un stock de pensées préfabriquées instinctives, mais comme il ne peut communiquer, rien ne permet d’en avoir la moindre preuve. De plus comme l’apprentissage va lui donner une autre façon de penser, si celles-ci existaient, on peut penser qu’elles disparaîtraient. Seulement, une telle supposition est purement gratuite. Sans aucune autre information, l’hypothèse à retenir au départ est l’hypothèse la plus vraisemblable, la plus apparente, c’est une sorte de vide.
Il semble donc assez raisonnable de dire que les pensées, les a priori d’un embryon, sont vierges ou pratiquement vierges. Probablement pas structurés, en tout cas pas par l’apprentissage. Que ce soit pour le son, pour la vue ou pour le toucher, et de même … pour la pensée. Cette hypothèse de départ me semble être assez vraissemblable. L’idée consiste à dire qu’avant de penser, avant de prendre conscience des choses, il y a très peu de choses, sinon rien.
Nous allons expliquer quelques unes des très nombreuses conséquences de cette hypothèse. Pour en illustrer la première, nous nous servirons du sens de la vue. Car la vue est l’un sens très peu utilisé inutéro comparé à la vie ultérieure. Evidemment, l’œil étant formé assez tôt chez le fœtus, il n’est pas exclu que la lumière et l’obscurité soit très vite aperçues par l’enfant. Mais dans l’ensemble les notions les plus précises de la vision se limiteraient à la différence entre sombre et légèrement lumineux (la peau laisse passer la lumière), et éventuellement quelque idée de zone lumineuse ou sombre. La naissance apporte à l’enfant une nouveauté, une richesse sans commune mesure dans la vision. On peut dire pour simplifier que la vision commence quasiment avec la naissance (les formes, les couleurs, les contours, etc…) . La question est alors : qu’est-ce que l’enfant voit ?
Selon notre hypothèse, dès la première seconde bien qu’il voit ? Il est difficile de penser que l’enfant distingue les couleurs, les formes et même le mouvement. Pour la simple est bonne raison que n’ayant encore jamais vu, la différence entre deux couleurs inconnues ne représente rien. Le contour d’un objet n’est associé à aucune reconnaissance. Il ne s’attend pas à voir des contours, et les voir ne lui apporte aucune information. En quelque sorte, on peut penser qu’en voyant le jour, l’enfant ne voit rien d’autre que « quelque chose qui a changé » et éventuellement une grande clarté.
On peut penser que l’enfant ne voit qu’un grand tout qui présente une sensation forte. Mais ce grand tout n’est pas encore analysable, rien ne s’y détache, rien n’en ressort.
Peut-être sommes nous allés un peu loin, mais cette caricature était volontaire pour que l’on prenne conscience qu’un vide de connaissance apporte au départ un vide de compréhension. Et que la connaissance va se construire seulement petit à petit.
Il est probable que le contraste entre clair et obscur soit perceptible tout de suite et donne à l’enfant l’idée d’un régionnement spatial presque immédiatement. Il est difficile de définir avec des mots ces impressions de base qui sont vierges de tous concepts, ces impressions sont probablement inexprimables. Nous adultes de la pensée, en imaginant ce principe du vide, nous construisons une idée par une abstraction très complexe. Elle est forcément très éloignée de l’impression décrite. L’ impression de vide semble au contraire très simple.
Il est possible aussi qu’une idée partielle du mouvement soit perçue par l’enfant. On sait d’ailleurs que l’enfant suit le mouvement des yeux relativement vite. Mais il est difficile à dire si c’est une acquisition, une compréhension qui se fait rapidement ou si au contraire le mouvement est perçu immédiatement et que seul le suivi demande un apprentissage. En fait, cela a peu d’importance pour notre propos.
Sous cette vraisemblable hypothèse du vide ou du « presque vide au départ », on peut facilement proposer des principes d’acquisition. A force de voir les mêmes choses, les concepts se précisent très vite : mouvement, lumière, forme, différence de teinte, de luminosité. Tout se précise à la vitesse où les concepts acquis permettent d’en reconnaître et d’en distinguer de nouveaux.
Cela nous conduit à une autre remarque essentielle : on peut très raisonnablement penser que les concepts développés d’un enfant à l’autre ne sont pas identique, l’un percevra mieux les couleurs et l’autre davantage les contours, etc. L’apprentissage est long et complexe jusqu’à l’aisance de la reconnaisance des contours, des formes, des couleurs des textures, etc..
La question suivante est : comment à partir de « presque rien » un mécanisme de connaissance peut-il donner du sens aux objets autour de lui ? La reconnaissance de forme est un problème très complexe. Les ingénieurs qui ont tenté de le résoudre l’ont constaté. Le cerveau semble particulièrement performant pour ce type d’activité. Nous proposerons une solution à ce problème au chapitre suivant dans l’élaboration du modèle théorique. Il se trouve que le modèle que nous proposons est intéressant en ce que l’acquisition de la vision suivra les même règles que l’acquisition de la parole ou même des gestes.
Les explications hypothétiques que nous venons d’élaborer sur la vision sont valables pour la compréhension des bruits, la compréhension de la parole. Au début, on peut raisonnablement penser qu’un enfant comprend la différence entre le contraste de bruit et du non bruit, que tout doucement il va commencer à apprécier le timbre des sons et des voix. Très tôt l’enfant reconnaît la voix de sa mère. Cet apprentissage commence avant la naissance car l’enfant perçoit le bruit et en particulier la voix de sa mère in utero (certes transformée, mais avec des composantes très semblables). On peut aussi penser qu’il perçoit très vite la tendresse ou l’irritation (dans un sens primaire) de ses parents exprimées par leur voix douce ou courroucée. Mais de là à comprendre la parole, il y a encore des pas de géant… qu’il accomplira très vite. La compréhension se fait lentement comme un échafaudage très long qui sort très vite de terre lorsque la base est constituée. La constitution de la base est très informelle, on sait bien que l’enfant n’apprend ni grammaire, ni syntaxe. Seul l’écoute, la pratique, la correction et l’implication des mots avec le contexte lui donne d’apprendre le sens et de le reproduire. Il est par exemple amusant d’entendre les jeunes enfants se tromper dans les conjuguaisons. Ils montrent par là qu’ils ont compris les règles et essaient de les adapter. La réalité, la confrontation à la norme les recadrent sans cesse ; toujours plus près d’une meilleur perception. Sur la parole il y a aurait beaucoup à dire, car comme on l’a vu, la parole est très liée à la pensée. L’interaction entre l’une et l’autre semble d’ailleurs très importante.
On peut brièvement parler de l’acquisition des mouvements du corps. Cela correspond à la coordination des muscles. La nuance non anecdotique avec les apprentissages précédents est que l’apprentissage musclaire n’est pas perception d’une information mais émission. On est donc sur un autre terrain, ce n’est plus la compréhension d’une observation, mais l’élaboration d’un processus entièrement interne qui va agir sur l’extérieur : on peut citer l’apprentissage de la marche, ou encore plus précocement le fait de saisir un objet (dans le fait de saisir, il y a une part d’inné car l’enfant dès la naissance retient fermement le doigt d’un adulte placé dans sa main. Mais il est très loin de savoir saisir un objet). Maintenenant il faut signaler que tous les apprentissages musculaires sont très largement liés à la perception, ils se déroulent dans une adaptation permanente des gestes par rapport à la perception, dans une coordination complexe de très nombreux muscles par rapport aux informations perçues. Une fois acquis, le geste devient naturel, il ne demandera plus cet effort d’adaptation. Cela signifie l’existence d’une dualité perception-correction extrêmement fine et naturelle. On peut faire état d’une autre idée importante : lorsqu’un mouvement est acquis quand son apprentissage est terminé, il suffit de vouloir l’accomplir pour qu’il s’exécute sans aucune difficulté, il pourra même être accompli inconsciemment.
Pour corroborer notre hypothèse, une autre remarque possède toute son importance, elle concerne la mémoire des enfants : on ne possède pas de souvenir de la très jeune enfance, et a fortiori pas non plus de souvenirs préalable à la naissance. Cela ne signifie pas que l’on ait pas été marqué par des évenements précoces, beaucoup de faits affirment le contraire. Mais on peut penser que cette absence de souvenir est naturelle : les souvenirs débutent à partir du moment où l’individu possède une compréhension suffisamment claire et précise du sens des choses, une compréhension suffisament avancée pour que la mémoire s’accroche à des concepts et à des perceptions stables. D’ailleurs, bien que l’enfant possède déjà une base de connaissance suffisante pour communiquer, lorsqu’il a 2 ou 3 ans, il oublie les événements beaucoup plus vite qu’un adulte. La communication et le langage ne sont donc pas les seuls facteurs de la mémoire. Nous verrons que le modèle propose une explication à ce constat.
Parmi les éléments moteurs de réaction chez le nourrisson, il y a la faim, la souffrance, la satisfaction. On comprend que ces moteurs qui se déclinent en souffrance et satisfaction sont une base essentielle de l’individu. On sait que l’expression physique de la souffrance dans le corps s’exprime par plusieurs manifestations dans le corps : les nerfs véhiculent la douleur, des hormones véhiculent des tensions intérieures, la biochimie possède une part importante dans le ressenti de la douleur et dans la satisfaction. Mais l’approche physiologique, nerveuse et biochimique est-elle le seul vecteur de la douleur et de la satisfaction ?
Chez l’adulte, il serait difficile de répondre oui quand on pense à toutes les satisfactions ou les souffrances issues de concepts très élaborés propres à l’adulte. Citons le malaise de la condition humaine par exemple. Il n’est pas exclu qu’il existe un phénomène physiologique qui lui soit associé, mais ces sentiments de malaise et de satisfaction ne sont de toute apparence plus la simple conséquence d’un processus physiologique, mais plutôt celle d’un processus psychologique aboutissant éventuellement à un processus chimique. On peut même entrevoir des processus de souffrance purement inconscients.
Chez le jeune enfant, la question est plus délicate. Le concept de douleur est-il une des composantes primaires de la pensée, ou bien cette composante est-elle seulement une perception particulière ? La question se reformule de la sorte : existe-t-il un centre inné de la douleur et de la satisfaction qui soit une composante de base d’un modèle de la pensée ? [Dans le cadre du vide initial que nous avons expliqué, je ne peux m’empêcher de faire une remarque sur un lieu commun : on parle souvent de l’innocence et du bonheur des enfants (dans le cas d’une jeune existence sans difficulté majeure). Mais qu’en est-il précisément? Peut-on dire que le néant est plus heureux que la souffrance et plus pur qu’un être corrompu ? Par définition, le vide n’apporte pas de bien-être. N’est-ce pas alors une imagination sans fondement que cette innocence ou ce bonheur de la tendre enfance ? Nos larmes et nos souffrances d’enfant, même si elles étaient brèves, n'étaient-elles pas les maux les plus insurmontable de la vie. Le malaise s’alourdit par l’histoire et par a mémoire. Mais sans histoire, il n’y a pas plus de malaise que de bien-être.]
Pour finir, on peut se poser la question suivante : au vu de la vitesse d’apprentissage du langage, de la coordination musculaire qui sont des prodiges de technicité, pourquoi l’enfant est-il si long à l’apprentissage manuel et aux acquisitions intellectuelles après ? Est-ce vraiment dû à une plus grande complexité des données manuelles et intellectuelles comparées à la marche ou au langage ? Un élément de réponse consiste à dire que le monde n’est pas adapté à l’enfant : il a tant besoin d’un bagage minimum pour faire face qu’il est forcé d‘apprendre très vite. On peut ajouter aussi qu’il sont en perpétuel croissance, et ainsi que leurs repères physiques se modifient constamment, ce qui rend la finesse de l’apprentissage difficile. Mais tout cela n’est certainement pas suffisant pour expliquer la différence de temps : on constate qu’il y a une différence entre l’apprentissage par imprégnation (le langage est acquis par immersion de l’enfant dans un contexte) et l’acquisition raisonnée qui, elle, se fait lentement. Il faut d’ailleurs remarquer que certains enfants ne parviendront jamais à des raisonnements très abstraits et des mouvements manuels très techniques, cela accroche difficilement. Faute d’apprentissage, faute de goût, faute d’éducation, faute de prédisposition… Par ailleurs, il reste encore une autre explication toujours valable mais décevante : l’enfant serait prédisposé à apprendre le langage et les mouvements de base rapidement, mais pas le reste : ce serait une sorte de préprogrammation humaine.
Attardons nous très brièvement sur le mécanisme de l’apprentissage raisonné. Une difficulté semble apparaître très naturellement dans cette sorte d’apprentissage : il est impossible d’envisager un processus d’apprentissage raisonné unique. Car chaque individu débute avec un bagage et une perception différente. Pour construire un apprentissage raisonné, il faut prendre appui sur les connaissances existantes de l’enfant ; très souvents sur des concepts primaires et même difficiles de faire surgir à la conscience. Par exemple, la perception visuelle du monde diffère d’un individu à l’autre : on peut penser que certains sont mieux disposés à percevoir les contours, d’autres les formes, ou encore les couleurs (ou même d’autres sortes de processus élémentaires que nous ne conceptualisons pas dans notre langage).Chaque type de perception donnera un avantage sur certaines connaissances (perception spatiale, dessin, reconnaissance, etc..) En pratique, la vision est toujours un équlibre, un mélange de ces différents concepts évoqués. C’est en fait l’équilibre du mélange perceptif qui peut varier radicalement d’un enfant à l’autre alors même qu’ils perçoivent un objet identique. Cela est flagrant dans la perception de la géométrie spatiale chez l’adolescent ou chez l’adulte. Tous ne voient pas le monde de la même façon. Pourtant voir et percevoir le monde est l’un des actes les plus précoces de l’individu. Chacun voit les mêmes objets, mais le décodage de la perception s’effectue selon des schémas différents. Par exemple, certains perçoivent beaucoup moins bien les volumes que d’autres. Il en est sans doute de même dans de nombreux domaines : l’audition, la psychologie, la logique, etc… D’où vient cette disparité de perception ? Est-elle une prédisposition mentale ? Oui : on a trouvé des corrélations entre la configuration du cerveau et certaines disparités de comportements de perception élémentaire (la couleur par exemple). Mais ce n’est pas la seule explication. Il y a aussi sans aucun doute un « phénomène hasardeux » : quand on verse un sceau de petites pierres pour former un tas, la position de chaque pierre influe sur la place que prendra la pierre suivante. Et pourtant quelle que soit la configuration, la tas finira par prendre une forme globale à peu près semblable (un petit dome), car les pierres ont toutes été jetées au même endroit. De même l’expérience de chacun est forcément différente. Il est probable que des petites disparités insignifiantes induisent des constructions de personnalitées très variées de l’un à l’autre. Chaque pierre(chaque événement, chaque perception) qui arrive sur le tas roulera complètement différemment d’un tas à l’autre. C’est le principe des équilibres plus ou moins instables et peut-être même les principes du chaos : une fluctuation imprévisible dépendant des conditions initiales. Pourtant, la forme globale reste incluse dans un cadre précis : tous perçoivent la vie qui les entoure avec bien des points communs.
Les apprentissages rencontrés par l’enfant au cours de son évolution sont variés, nombreux et complexes. Il y aurait sans doute de nombreuses remarques à faire sur ce sujet très vaste, mais nous nous limiterons à ces quelques remarques qui servent de point d’appui à notre théorie.

Michaël Klopfenstein © 2007



La trame une image de la réalité.


Un regard philosophique sur Les mathématiques


La Science est recherche de la réalité objective partageable.

Le sens est le ressenti instantanné d'un tissu organisé de concepts formant une unité cohérente liée à la totalité de nos aquisitions (qui sont pour chacun un autre sens).